Titre Précedent Suivant Sommaire Index | XXI. — André ouvrier. Les cours d'adultes. — Julien écolier. Les bibliothèques scolaires et les lectures du soir. — Ce que fait la France pour l'instruction de ses enfants. |
XXI. — André ouvrier. Les cours d'adultes.
— Julien écolier. Les bibliothèques scolaires et les
lectures du soir. — Ce que fait la France pour l'instruction de ses
enfants.
Après qu'on a
travaillé, le plus utile des délassements est une lecture qui vous
instruit. L'âge de s'instruire n'est jamais passé.
Deux jours
après leur arrivée à Épinal, grâce à
l'activité d'André, grâce à celle de
M
me Gertrude, nos
enfants étaient complètement installés. André
travaillait toute la journée à l'atelier de son patron, faisant
rougir au feu de la forge
le fer qu'il façonnait
ensuite sur l'enclume, et qui devenait entre ses mains tantôt une clef,
tantôt un ressort de serrure, un verrou, un bec de cane. A ses moments
perdus le jeune serrurier voulant se rendre utile à la mère
Gertrude, fit la revue de toutes les serrures et ferrures de la maison : il
joua si bien du marteau et de la lime qu'il remit tout à neuf, au grand
étonnement de la bonne vieille.
FORGE DE SERRURIER. — On
voit derrière l'âtre un petit trou noir ; c'est par ce trou
qu'arrive le vent du soufflet, qui sert à exciter le feu de charbon de
terre. Au-dessous du foyer se trouve un baquet rempli d'eau ; on s'en sert
pour mouiller le charbon.
Mais tout
cela ne fut pas long à faire, car la maison de la mère Gertrude
n'était pas grande ; aussi il ne tarda pas à se trouver
inoccupé le soir, au retour de l'atelier.
— André, lui dit
Mme Gertrude, vous
n'allez plus à l'école, vous voilà maintenant un jeune
ouvrier ; mais ce n'est point une raison, n'est-ce pas, pour cesser de vous
instruire ?
Tout les soirs, M. l'instituteur
fait un cours gratuit pour les adultes ; bien des ouvriers de la ville se
réunissent auprès de lui, et il leur enseigne ce qu'ils n'ont pu
apprendre à l'école. Il faut y aller, André. Que de choses
on peut apprendre à tout âge en s'appliquant deux heures par
jour !
SERRURE APPELÉE BEC DE
CANE. — C'est la serrure la plus simple. Il suffit, pour la fermer, de
pousser la porte ; le ressort, qu'on voit à droite, la maintient
fermée.
André
fit ce que lui conseillait la mère Gertrude, et désormais il alla
chaque soir au cours d'adultes.
Julien, de son
côté, suivait l'école bien régulièrement.
Entre les heures de classe, quand son devoir était fait, au lieu d'aller
vagabonder dans la rue, il rendait à la mère Gertrude tous les
services qu'il pouvait. Il partait à la fontaine, il faisait les
commissions, il descendait du bois du grenier, il sarclait les herbes folles du
jardin.
— Cet enfant, c'est mon
bras droit ! disait la bonne femme avec admiration.
Le fait est que Julien l'aimait
de tout son coeur, et le soir, à la veillée, quand elle lui
racontait quelque histoire en écossant les haricots, il ne perdait pas
une de ses paroles.
— Eh mais, Julien, lui
dit-elle un jour, vous aimez les histoires, et je vous ai dit toutes celles qui
me sont restées dans la mémoire ; si vous m'en lisiez
quelques-unes à présent, quelles bonnes soirées nous
passerions !
— Oui, dit Julien, mais
les livres coûtent cher et nous n'en avons point.
— Et la
bibliothèque de l'école, petit Julien, vous l'oubliez. A
l'école, il y a des livres que M. l'instituteur prête aux
écoliers laborieux. Voyons, dès demain, nous irons le prier de
vous prêter quelques livres à votre portée.
Le lendemain soir ce fut une
vraie fête pour l'enfant. Il arriva tenant à la main un livre plein
d'histoires, dans lequel il fit ce jour-là et les jours suivants la
lecture à haute voix.
Julien lisait très
joliment : il s'arrêtait aux points et aux virgules, il faisait
sentir les s et les
t devant les voyelles, et, au lieu de
nasiller comme font les petits garçons qui ne savent pas lire, il
prononçait distinctement les mots d'une voix toujours claire.
Quand il trouvait un mot
difficile à comprendre, la bonne vieille institutrice, qui n'avait point
oublié la profession de ses jeunes années, le lui expliquait
rapidement.
Après la lecture elle
l'interrogeait sur tout ce qu'il venait de lire, et Julien répondait de
son mieux. Le temps passait donc plus vite encore que de coutume. Julien
était tout heureux d'employer lui aussi ses soirées à
s'instruire et de suivre l'exemple que lui donnait son frère
aîné.
— Oh ! dit un jour
Julien quand l'heure fut venue de se coucher, c'est une bien belle chose d'avoir
toute une bibliothèque où l'on peut emprunter des livres !
Madame Gertrude, nous les lirons tous, n'est-ce pas ?
— Je ne demande pas mieux,
répondit en souriant la mère Gertrude. Mais dites-moi, Julien, qui
a fait les frais de tous ces livres dont la bibliothèque de
l'école est remplie, et à qui devez-vous, en définitive, ce
plaisir de la lecture ? Y avez-vous réfléchi ?
— Non, dit l'enfant, je
n'y songeais pas.
— Julien, les
écoles, les cours d'adultes, les bibliothèques scolaires sont des
bienfaits de votre patrie. La France veut que tous ses enfants soient dignes
d'elle, et chaque jour elle augmente le nombre de ses écoles et de ses
cours, elle fonde de nouvelles bibliothèques, et elle prépare des
maîtres savants pour diriger la jeunesse.
— Oh ! dit Julien,
j'aime la France de tout mon coeur ! Je voudrais qu'elle fût la
première nation du monde.
— Alors, Julien, songez
à une chose : c'est que l'honneur de la patrie dépend de ce
que valent ses enfants. Appliquez-vous au travail, instruisez-vous, soyez bon et
généreux ; que tous les enfants de la France en fassent
autant, et notre patrie sera la première de toutes les nations.