Titre Précedent Suivant Sommaire Index | XL. — Les troupeaux de la Savoie et de la Suisse. — L'orage dans la montagne. — Les animaux sauvages des Alpes. — Les ressources des Savoisiens. |
XL. — Les troupeaux de la Savoie et de la Suisse.
— L'orage dans la montagne. — Les animaux sauvages des Alpes.
— Les ressources des Savoisiens.
Plus un pays est pauvre, plus
il a besoin d'instruction; car l'instruction rend industrieux et apprend
à tirer parti de tout.
Tout en
causant on continuait la route. A chaque détour du chemin les montagnes
disparaissaient, mais on ne tardait pas à les revoir, plus lumineuses
à mesure que le soleil montait.
— C'est le moment, dit
M. Gertal, où les pâtres et les troupeaux se réveillent
dans la montagne. Ne voyez-vous pas sur les pentes les plus voisines de petits
points blancs qui se remuent ? ce sont les vaches et les moutons.
— Mais, dit Julien, est-ce
qu'il y a aussi des troupeaux le long du mont Blanc et des autres grandes
montagnes ?
— Certainement ; les
troupeaux sont la grande richesse de la Suisse et de la Savoie, comme du Jura.
C'est en les gardant là-haut, tout l'été, que les
montagnards acquièrent leur vigueur et leur agilité
proverbiales.
— Y-a-t-il donc tant
besoin d'agilité pour garder les vaches dans la montagne ?
s'écria Julien. Cela m'a l'air bien facile, à moi.
— Eh, eh ! petit
Julien, je voudrais bien t'y voir, lorsque tout à coup un orage
s'élève. J'ai vu cela, moi qui te parle, et je ne l'oublierai
jamais. Les vaches, dans les prairies de la montagnes, couchent dehors,
paisiblement, sous la garde des chiens. Mais, si l'orage arrive, elles
s'éveillent en sursaut ; en voyant les éclairs leur passer
devant les yeux, les voilà folles de terreur ; elles bondissent
à travers le premier sentier qui se présente dans la direction du
vent. Elles courent sans s'arrêter, redoublant de vitesse à mesure
que les échos de la montagne s'ébranlent aux roulements du
tonnerre. Les pâtres alors, pour ramener le troupeau, le suivent dans
toutes les directions, à la lueur des éclairs, en dépit de
l'ouragan qui déracine les arbres, au-dessus des abîmes. Ils
appellent chaque vache par son nom pour la calmer, et souvent, malgré
leurs efforts, quand le matin arrive, plus d'une manque à l'appel :
la tourmente les a jetées dans les précipices.
— Comment, dit Julien, les
vaches, qui ont un air si tranquille, sont si peu raisonnables que cela ?
Mais alors, les pâtres doivent avoir grand'peur de l'orage.
— Certes, mon enfant, ils
le redoutent ; aussi, quand ils en prévoient un, ils ne se couchent
pas ; ils restent toute la nuit auprès de leurs vaches ; ils
leur parlent tant que dure la tempête, ils les flattent de la main tour
à tour, les appelant chacune par leur nom. Cela suffit pour tranquilliser
ces bonnes bêtes. La présence et la voix de leur gardien les
rassurent : elles ne bougent pas.
— Bon, dit Julien, les
vaches sont comme les petits enfants ; elles ont peur quand elles se
croient seules, et alors il n'est pas facile de les garder. C'est égal,
monsieur Gertal, c'est bien intéressant toutes ces histoires de la
montagne.
Le patron sourit. — As-tu
quelquefois entendu parler des chasses au chamois, Julien ?
reprit-il.
LE CHAMOIS. — Le
chamois vit en
troupes dans les Alpes et aussi dans les Pyrénées, où on
lui a donné le nom
d'
isard.
— Oh ! point du tout,
je ne sais même pas ce que c'est qu'un chamois. Et vous, monsieur Gertal,
en avez-vous vu ?
— Oui, j'en ai vu
plusieurs. C'est un bel animal, qui vit sur les hautes montagnes. Il est grand
comme une chèvre, et d'une agilité merveilleuse : d'un bond
il saut par-dessus les abîmes et disparaît avec la rapidité
d'une flèche. Pour lui faire la chasse, il faut avoir soi-même une
agilité bien grande ; les hommes les plus hardis grimpent aux
endroits escarpés où ils ont remarqué les traces des
chamois ; cachés derrière quelque rocher, ils les attendent
au passage pendant des heures, tirent dessus, et parfois les poursuivent
à la course de rocher en rocher.
— Qu'est-ce que cela
mange, les chamois ?
— L'herbe rase des
prairies de la montagne. Dans les grandes forêts de sapins, dans les lieux
les plus sauvages, il y a d'autres animaux : on rencontre dans les Alpes
des ours bruns.
— Des ours ! dit
Julien ; oh, oh ! cela ne vaut pas les gentils chamois. Nous en avons
pourtant vu un l'autre jour à Lons-le-Saunier, qui était
apprivoisé et qui dansait sur ces pattes de derrière au son de la
musique.
— Il avait
été pris sans doute encore jeune dans les Alpes. Un autre animal
des montagnes, c'est l'aigle ; on peut le voir sur la cime des rochers,
voler à son aire. Les aigles se jettent parfois sur les troupeaux,
saisissent dans leurs serres les jeunes agneaux qu'ils peuvent attraper, et les
enlèvent en l'air ; on en a vu emporter jusqu'à de jeunes
enfants. Aussi les montagnards font une chasse continuelle à ces
bêtes malfaisantes : ils les poursuivent dans le creux des
rochers ; ils luttent contre elles, et, de jour en jour, aigles et ours
deviennent plus rares.
L'AIGLE. — L'aigle, le
plus fort et le plus féroce des oiseaux, a la vue perçante, les
pieds robustes, armés d'ongles aigus. Ses ailes étendues ont
près de 3 mètres de largeur. Son nid (ou
aire) est
placé dans les rochers les plus sauvages, au milieu des montagnes et des
précipices. C'est là qu'il transporte, pour nourrir ses petits,
les animaux qu'il a pris et enlevés dans ses serres.
— Je vois à
présent, monsieur Gertal, que les montagnards sont bien braves. Aussi,
j'aime les montagnards ; mais je voudrais savoir si, dans leur pays, en
Suisse et en Savoie, on sait travailler comme dans la Franche-Comté et la
Lorraine.
— Certainement, petit
Julien. Depuis que la Savoie est française, les progrès ont
été très rapides dans cette contrée. On y fait un
grand nombre de routes, ce qui permet de transporter facilement les produits de
la terre et les marchandises. Et puis, les Savoisiens sont très
intelligents et comprennent l'importance de l'instruction. Les écoles se
multiplient chez eux. Quand tout le monde sera instruit dans ce beau pays, on
verra, de plus en plus, la Savoie changer de face ; l'agriculture, mieux
entendue, enrichira les cultivateurs, l'industrie fera prospérer les
villes ; car vois-tu, petit Julien, il faut toujours en revenir à
l'instruction : les esprits cultivés sont comme les terres bien
labourées, qui paient par d'amples moissons les soins qu'on leur
donne.
CARTE DE LA SAVOIE. —
Cette province est couverte des plus hautes montagnes de l'Europe. On y trouve
des mines de plomb, de cuivre, de fer, des carrières de marbre et de
granit ; quelques rivières charrient de l'or en petite
quantité.
Chambéry,
l'ancienne capitale de la Savoie (21 700 hab.), fabrique des gazes de soie
renommées.
Annecy
(12 900 hab.), située au bord d'un beau lac, tisse le coton et la
soie.