XLVI. — Les vignes de la Bourgogne. — La
fabrication du vin. — La richesse de la France en vignobles.
L'agriculture, voilà
pour la France, disait Sully, les vraies mines et trésors du
Pérou.
On quitta
Mâcon de grand matin, et nos trois amis, de la voiture même,
assistèrent aux travaux de vendange. Sur le flanc des collines on ne
voyait que vendangeurs et vendangeuses allant et venant, la hotte pleine de
raisin.
LA FABRICATION DU VIN. —
Les vignerons foulent le raisin, avec les pieds ou le pressoir, pour en faire
sortir le jus. On verse ensuite ce jus dans les grandes cuves de gauche et on
l'y laisse fermenter. Quand le jus fermentera dans la cuve, il se produira alors
un gaz malsain appelé acide carbonique. Les vignerons ne doivent donc
entrer dans un cellier, et surtout dans une cuve, qu'avec les plus grandes
précautions, sous peine de tomber asphyxiés.
Ailleurs,
on apercevait des vignerons qui, à l'ancienne manière,
piétinaient le raison qu'on venait de cueillir. Ils foulaient gaiement du
pied les grappes mûres.
— Voyez-vous ces
hommes ? dit M. Gertal : ils sont en train de faire le
foulage des raisins. Ils laisseront
ensuite tout ce jus fermenter pendant plusieurs jours. Puis on le tirera par le
fond des cuves pour le faire couler dans les tonneaux. Alors il sera devenu
clair. Ce sera le vin doux.
— Monsieur Gertal, est-ce
que partout on écrase ainsi le raisin avec les pieds pour faire le
vin ?
— Non, mon ami ; il y
a beaucoup plus d'endroits où on se sert d'un fouloir, ce qui vaut
mieux.
— Monsieur Gertal,
à l'école de Phalsbourg, on m'a dit que la France produit les
meilleurs vins du monde et que la Bourgogne est une des plus riches provinces de
France.
— C'est très juste,
petit Julien, et il faut ainsi tâcher de ne pas oublier tout ce que tu as
appris à l'école.
— Oh ! je ne l'oublie
pas, monsieur Gertal, allez ! Même que je me répétais
tout à l'heure les quatre départements de la Bourgogne avec leurs
chefs-lieux : Auxerre, Dijon, Mâcon et Bourg. Je vais savoir ma
France à présent sans hésiter. Et puis, dans le livre que
m'a donné hier la dame de Mâcon, il y a beaucoup d'histoires sur
les grands hommes de la France ; je les lirai toutes, et je deviendrai
savant sur les choses de mon pays. Voyez, monsieur Gertal, comme il est beau,
mon livre !
LA BOURGOGNE. — Cette
riche province se trouve arrosée à la fois par le Rhône, la
Saône, la Seine et la Loire. On y élève de nos jours de
nombreuses usines y compris celles du Creusot. La plus grande ville de la
Bourgogne est
Dijon,
71 300 hab., qui est entourée de crus de vins
célèbres.
Auxerre
(18 900 hab.), et
Mâcon
(18 900 hab.) font aussi un grand commerce de vins.
— Il est très beau, en effet, ce
livre, dit M. Gertal ; c'est un magnifique cadeau qu'on t'a fait là.
Eh bien, Julien, fais-nous part de tes richesses. Je vois ici en titre :
"Quelques grands hommes de la Bourgogne", avec les portraits de Vauban, de
Buffon, de Monge ; lis-nous cela, mon garçon ; nous en
profiterons tous les trois, et la route nous semblera moins longue. Quand
Pierrot marche au pas, c'est bien facile de lire sans se fatiguer ; voyons,
commence.
Julien, tout fier d'être
érigé en lecteur, prit son livre et commença d'une voix
claire le chapitre suivant.