XLVII. — Quelques grands hommes de la
Bourgogne : Vauban, Monge, Buffon, Niepce et la photographie.
Quand un enfant grandit, il
préfère l'histoire de sa patrie et des hommes qui l'honorent aux
historiettes du jeune âge.
Toute les provinces de France ont
fourni des hommes remarquables par leur talent ou par leur grande âme, qui
ont rendu des services à leur patrie et à l'humanité ;
mais peu de provinces ont produit autant d'hommes illustrent que la Bourgogne,
et ces grands hommes ont été pour la plupart de grands patriotes.
Tel Vauban.
Dès l'âge de dix-sept ans il s'engagea
comme soldat, et se fit tout de suite remarquer par son courage. Un jour, au
siège d'une petite ville dont les murs étaient entourés par
une rivière, il se jeta à la nage et, montant sur les remparts,
entra le premier dans la place.
VAUBAN, né en 1632,
près de Saulieu (Yonne), mort en 1707.
Si Vauban n'avait
été que brave, son nom eût pu être oublié dans
un pays où la bravoure est si peu rare ; mais Vauban était
studieux, et tous ses loisirs, il les consacrait à l'étude. Il
s'occupait des sciences ; il lisait au milieu des camps des livres de
géométrie. Il obtint le grade d'ingénieur, et ce fut comme
ingénieur qu'il montra son génie. Le roi Louis XIV le chargea de
fortifier nos principales places de guerre. Toute la ceinture de places fortes
qui défend la France est son oeuvre : Dunkerque, Lille, Metz,
Strasbourg, Phalsbourg, Besançon et plus de trois cents autres.
— Quoi !
s'écria le petit Julien, c'est Vauban qui a fortifié Phalsbourg,
où je suis né, et Besançon, dont j'ai si bien
regardé les murailles ! Voilà un grand homme dont je
n'oublierai pas le nom à présent. Puis il reprit sa lecture.
Au milieu de tous ses travaux, Vauban était sans
cesse préoccupé de la prospérité de son pays et des
moyens de soulager la misère du peuple. Dans la guerre, il donnait
toujours au roi les conseils les plus humains, et il s'efforçait
d'épargner le sang des soldats. Pendant les nombreux sièges qu'il
conduisit, on le voyait s'exposer lui-même au danger : il
s'avançait jusque sous les murs ennemis pour bien connaître les
abords de la place, et cherchait les endroits par où on pourrait
l'attaquer sans sacrifier beaucoup d'hommes ; quand on s'efforçait
de le retenir : "Ne vaut-il pas mieux, répondait-il, qu'un seul
s'expose pour épargner le sang de tous les autres ?"
Dans la paix, il pensait encore
au peuple de France, si malheureux alors au milieu des guerres et de la famine
qui se succédaient. ; il chercha un moyen de diminuer les
impôts dont le peuple était accablé, et il écrivit
à ce sujet un bel ouvrage qu'il adressa au roi. Mais le roi Louis XIV se
crut à tort offensé par les justes plaintes de Vauban. Il fit
condamner et détruire son livre. Vauban, frappé au coeur, en
mourut de douleur peu de temps après.
Mais on devait lui rendre justice
de nos jours et même de son temps : c'est pour lui qu'on a
inventé et employé pour la première fois le beau mot de
patriote, qui sert maintenant à
désigner, les hommes attachés à leur patrie et toujours
prêts à se dévouer pour elle. Vauban fut surnommé le
"patriote".
MONGE, né à Beaune en 1741, mort en
1818.
—
J'aime tout à fait ce grand homme-là ! dit Julien, et il fait
bien honneur à la Bourgogne.
— Oui, certes, dit
André, car il a travaillé pour le bien de son pays.
— Mais tu n'as pas fini ta
lecture, petit Julien, dit M. Gertal ; il y a eu aussi en Bourgogne
d'autres grands hommes qui ont bien aimé leur patrie.
Julien reprit son livre avec une
nouvelle curiosité.
II. Quarante ans après la mort de Vauban, un
rémouleur en plein vent de la petite ville de Beaune, dans la
Côte-d'Or, eut un fils qu'il éleva à force de travail, et
qu'il envoya une fois grand, faire ses études au collège de sa
ville natale. Le jeune Gaspard MONGE ne devait pas avoir moins de génie
que Vauban, il ne devait pas être moins utile à sa patrie. C'est
une des plus grandes gloires de la science dans notre pays. Il inventa presque
une nouvelle branche de la géométrie.
En 1792, Monge avait quarante-six ans. A cette
époque, la France était attaquée par tous les peuples de
l'Europe à la fois ; Monge fut chargé d'organiser la
défense de la patrie. Il se mit à cette oeuvre avec toute l'ardeur
de son génie. Il passait ses journées à visiter les
fonderies de canons ; pendant les nuits, il écrivait des
traités pour apprendre aux ouvriers à bien fabriquer l'acier et
à fondre les armes. Il était aidé par un autre homme
illustre, né aussi en Bourgogne, Carnot, qui travaillait avec Monge
à défendre la France, et qui indiquant à nos armées
les mouvements à faire pour s'assurer la victoire. Ces deux hommes
réussirent dans leur oeuvre. Quand la France eut en effet repoussé
l'ennemi, Monge redevint professeur de géométrie : c'est lui
qui organisa notre grande
Ecole
polytechnique, où se forment nos ingénieurs pour
l'armée et pour les travaux publics, ainsi que nos meilleurs officiers.
On lui a élevé une statue à Beaune.
L'ECOLE POLYTECHNIQUE. —
Cette grande école située à Paris, et dont le nom signifie
école où
l'on apprend beaucoup d'arts, fut fondée par la Convention
nationale sur la proposition de Monge. Elle est destinée à former
des élèves pour l'artillerie et le génie militaire, les
mines, la marine, etc.
III.
La Bourgogne a donné le jour à un autre grand savant que tous les
enfants connaissent : c'est BUFFON.
BUFFON, né à
Montbard (Côte d'Or), en 1707, mort en 1788. Il fit, avec l'aide d'un
autre Bourguignon, Daubenton, son grand ouvrage sur
l'
Histoire de la
nature, travail immense qui comprend trente-six volumes.
Oh ! je le connais en
effet, s'écria Julien ; c'est lui qui a si bien décrit tous
les animaux.
— Oui, dit André,
je sais que c'était un grand
naturaliste, c'est-à-dire qu'il
a étudié la nature et tous les animaux ou plantes qu'elle
renferme.
BUFFON est né au château de Montbard, dans
la Côte d'Or. Malgré sa fortune, il ne se crut pas dispensé
du travail. Il conçut la grande pensée d'écrire l'histoire
et la description de la nature entière : il médita et
étudia pendant dix ans, puis commença à publier une
série de volumes qui illustrèrent son nom. Ses ouvrages furent
traduits dans toutes les langues. Avant de mourir, il vit sa statue
élevée à Paris, au Jardin des Plantes, avec cette
inscription : "Son génie a la majesté de la
nature !".
IV. A Chalon-sur-Saône
naquit, en 1765, Joseph NIEPCE. Il fit d'abord comme lieutenant une partie de la
campagne d'Italie. Plus tard, retiré dans sa ville natale, il s'occupa de
sciences, d'arts et d'industrie.
Il y avait un problème qui
le tourmentait et dont il cherchait sans cesse la solution. En étudiant
la physique, il avait appris que si, dans une boîte obscure fermé
de toutes parts, on pratique un petit trou par lequel passe un rayon de soleil,
on voit se peindre, renversés sur le fond de la boîte, les objets
qui sont en face. C'est ce qu'on appelle la
chambre obscure.
— Si je pouvais, disait Niepce, fixer sur du
métal, du verre ou du papier, cette image qui vient se peindre dans le
fond de la boîte, j'aurais un dessin fait par le soleil, et d'une
merveilleuse fidélité. Mais comment faire ? Il faudrait, pour
cela, frotter le métal, le verre ou le papier avec une chose qui aurait
la propriété de noircir sous les rayons du soleil. Alors, quand
les rayons entreraient dans la boîte, ils noirciraient le métal ou
le verre, et reproduiraient les objets, les personnes, les paysages...
Mais Niepce cherchait sans pouvoir trouver rien qui le
satisfit entièrement.
LA BOÎTE DES
PHOTOGRAPHES. — C'est une boîte fermée de tous
côtés, où la lumière n'entre que par un petit
tube. L'image
des objets placés devant la boîte se projette sur le fond, mais
renversée. Le photographe introduit au fond de la boîte une plaque
qui a la propriété de noircir à la lumière : il
laisse ensuite pénétrer un rayon lumineux, et bientôt les
objets se trouvent dessinés sur la plaque. C'est comme si on parvenait
à fixer sur un miroir l'image de celui qui s'y regarde.
Or, il y avait à pareille époque un autre
homme, Daguerre, qui cherchait le même problème. C'était un
peintre fort habile, qui se disait, lui aussi : Le soleil pourrait dessiner
les objets en un clin d'oeil si on réussissait à fixer l'image de
la chambre obscure.
Il apprit qu'un inventeur habile,
à Chalon, avait déjà trouvé quelque chose de se
genre. Il vint voir Niepce à Chalon et lui dit :
— Voulez-vous que nous partagions nos idées
et que nous nous mettions à travailler tous les deux ?
Niepce accepta. Dix ans après, en 1830, on
annonçait à l'Académie des sciences une découverte
qui devait faire honneur à la France et se répandre dans le monde
entier : les principes de la photographie étaient inventés
par Niepce et Daguerre.
Ainsi, ce qu'un seul de ces deux
hommes n'aurait sans doute pu découvrir, tous deux l'avaient
trouvé en s'associant. C'est un exemple nouveau des bienfaits de
l'association : pour l'intelligence comme pour le reste, l'union fait la
force.
Niepce était mort en 1833. La Chambre des
députés accorda une pension de six mille francs, comme
récompense nationale, à Daguerre et au fils de Niepce.