XII. — L'ordre dans les vêtements et la
propreté. — L'hospitalité de la fermière
lorraine.
Voulez-vous qu'au premier
coup d'oeil on pense du bien de vous ? Soyez propres et décents, les
plus pauvres peuvent toujours l'être.
Après
plusieurs temps de repos suivis de marches courageuses, les deux enfants
aperçurent enfin vers midi la petite pointe du clocher de Celles. Fritz
leur avait laissé un mot de recommandation pour la veuve d'un cultivateur
de ce village, et ils se réjouissaient d'arriver. Mais, avant de se
présenter au village, André se souvint des conseils que
M
me Étienne
leur avait donnés.
"Mes enfants, leur avait-elle
dit, partout où vous allez passer, personne ne vous
connaîtra ; ayez donc bien soin de vous tenir propres et
décents, afin qu'on ne puisse vous prendre pour des mendiants ou des
vagabonds. Si pauvre que l'on soit, on peut toujours être propre. L'eau ne
manque pas en France, et rien n'excuse la malpropreté."
— Julien, dit André
à son frère, n'oublions pas les conseils de la bonne dame
Étienne ; mettons-nous bien propres avant de nous présenter
chez les amis du garde.
— Oui, dit l'enfant,
courons au bord de cette jolie rivière qui coule près de la
route ; nous nous laverons le visage et les mains.
— Ensuite, répondit
André, je brosserai tes habits avec mon mouchoir, nous rangerons bien nos
cheveux, nous frotterons nos souliers avec de l'herbe pour les nettoyer, et
comme cela nous n'aurons pas l'air de deux vagabonds.
Aussitôt dit,
aussitôt fait. En un clin d'oeil ils eurent réparé le
désordre causé par une nuit et une demi-journée de voyage
dans les bois à travers la montagne.
Lorsqu'ils eurent fini leur
toilette, André jeta un dernier coup d'oeil sur son jeune frère,
et il fut tout fier de voir la bonne mine de Julien, son air bien
élevé et raisonnable.
Tous les deux alors se
présentèrent dans le village et cherchèrent la maison de la
veuve dont ils avaient l'adresse. On leur indiqua une ferme située
à l'extrémité du village. En entrant dans la cour, ils
virent un grand troupeau de belles oies lorraines assoupies au soleil, qui se
réveillèrent en sursaut au bruit de leurs pas et les
saluèrent de leurs cris.
Ils s'avancèrent vers la
porte de la maison, suivis du troupeau et accompagnés d'un bruyant
tapage.
OIES DE LORRAINE. —
C'est une des races les plus répandues dans le nord et l'est de la
France. Elles sont petites, mais fortes. Les oies de la plus haute taille se
trouvent dans le Languedoc. Les oies aiment la propreté. Si elles ont de
l'eau pour se baigner et une litière fréquemment
renouvelés, elles rapportent davantage et dédommagent la
fermière des soins qu'on leur donne.
La
fermière vint sur le pas de sa porte et regarda les enfants qui
s'approchaient d'elle, chapeau à la main.
Dès le premier coup
d'oeil la ménagère, femme d'ordre et de soin, fut bien
prévenue en faveur des enfants qu'elle voyait si propres et si soigneux
de leur personne. Aussi, lorsqu'elle eut lu le billet de Fritz, elle fut tout
à fait gagnée à leur cause.
"Quoi ! pensa-t-elle, ces
enfants ont fait seuls et la nuit une route si longue dans la montagne !
Voilà de jeunes coeurs bien courageux et dignes qu'on leur vienne en
aide."
Elle les accueillit
aussitôt avec empressement, et, comme on se mettait à table, elle
les plaça auprès d'elle.
Le dîner était
frugal, mais l'accueil de la ménagère était si cordial et
nos jeunes voyageurs si fatigués, qu'ils mangèrent du meilleur
appétit la soupe aux choux et la salade de pommes de terre.