XIII. — L'empressement à rendre service
pour service. — La pêche.
Vous a-t-on rendu un service,
cherchez tout de suite ce que vous pourriez faire pour obliger à votre
tour celui qui vous a obligé.
Tout en
mangeant, André observait que la maison avait l'air fort pauvre. Sans la
grande propreté qui faisait tout reluire autour d'eux, on eût
deviné la misère.
Après le dîner,
chacun des membres de la famille se leva bien vite pour retourner à son
travail, les jeunes enfants vers l'école, les aînés aux
champs.
Quoique André fût
tout à fait las, il proposa ses services et ceux de Julien avec
empressement, car il aurait bien voulu dédommager son hôtesse de
l'hospitalité qu'elle leur offrait ; mais la fermière n'y
voulut jamais consentir.
— Reposez-vous, mes
enfants, disait-elle ; sinon vous me fâcherez.
Pendant que le débat
avait lieu, le petit Julien n'en perdait pas un mot ; il devinait le
sentiment d'André, et lui aussi aurait voulu être le moins possible
à la charge de la fermière.
Tout à coup l'enfant
avisa deux lignes pendues à la muraille : — Oh ! dit-il,
regarde, André, quelles belles lignes ! Il faut nous reposer en
pêchant. N'est-ce pas, madame, vous voulez bien nous permettre de
pêcher ? Nous serions si contents si nous pouvions rapporter de quoi
faire une bonne friture !
— Allons, mon enfant, dit
la veuve, je le veux bien. Tenez, voici les lignes.
Un quart d'heure après,
les deux enfants, munis d'appâts, se dirigeaient vers la rivière
avec leurs lignes et un petit panier pour mettre le poisson si l'on en
prenait.
André était bon
pêcheur ; plus d'une fois, le dimanche, il avait en quelques heures
pourvu au dîner du soir. Julien était moins habile, mais il faisait
ce qu'il pouvait. On s'assit plein d'espoir à l'ombre des saules, dans
une belle prairie comme il y en a beaucoup en Lorraine.
Cependant carpes et brochets
n'arrivaient guère, et Julien sentait le sommeil le prendre à
rester ainsi immobile, la ligne à la main, après une nuit de
marche et de fatigue. Il ne tarda pas à se lever.
— André, dit-il,
j'ai peur, si je reste assis sans rien dire, de m'endormir comme un paresseux
qui n'est bon à rien ; je ne veux pas parler pour ne pas effrayer le
poisson, mais je vais prendre mon couteau et aller chercher de la salade :
cela me réveillera.
Pendant
que l'enfant faisait une provision de salade sauvage, jeune et tendre,
André continua de pêcher avec persévérance, tant et
si bien que le panier commençait à s'emplir de truites et d'autres
poissons lorsque Julien revint : le petit garçon était bien
joyeux.
LES PRINCIPAUX POISSONS D'EAU DOUCE. — La
truite
de montagne est une petite espèce de poisson, aux taches noires, rouges
et argentées, à la chair délicate, qui vit dans les eaux
froides des montagnes, dans les torrents et les lacs presque glacés.
— La
carpe
devient très grosse en vieillissant ; on trouve des carpes qui ont
plus d'un mètre de long. Sa chaire est assez estimée, mais pleine
d'arêtes. — Le
brochet est un
poisson vorace qu'on a surnommé le
requin des rivières, et qui
avale toute espèce de proie. On en trouve dans certains fleuves (comme la
Volga), qui atteignent 2 mètres de longueur et pèsent
jusqu'à 20 kilogrammes.
— Quel bonheur !
André, disait-il, nous allons donc nous aussi, pouvoir offrir quelque
chose à la fermière.
Au moment où les enfants
de la fermière revenaient de l'école, André et Julien
entrèrent, apportant le panier presque rempli de poissons encore
frétillants, et la salade bien nettoyée.
On fit fête aux jeunes
orphelins. La veuve était touchée des efforts d'André et de
Julien pour la dédommager de l'hospitalité qu'elle leur
offrait.
— Chers enfants, leur
dit-elle, il n'y a qu'une demi-journée que je vous connais ; mais je
vous aime déjà de tout mon coeur. Cette nuit, vous vous êtes
montrés courageux comme deux hommes, et aujourd'hui, quoique
fatigués, vous avez tenu à me montrer votre reconnaissance de
l'accueil que je vous faisais. Vous êtes de braves enfants, et, si vous
continuez ainsi, vous vous ferez aimer partout où vous irez ; car le
courage et la reconnaissance gagnent tous les coeurs.