Titre Précedent Suivant Sommaire Index | XCII. – La Bretagne et ses grands hommes. – Un des défenseurs de la France pendant la guerre de Cent ans : Duguesclin. – Le tournoi et la première victoire de Duguesclin. – Sa captivité et sa rançon. Sa mort. |
XCII. – La Bretagne et ses grands hommes.
– Un des défenseurs de la France pendant la guerre de Cent
ans : Duguesclin. – Le tournoi et la première victoire de
Duguesclin. – Sa captivité et sa rançon. Sa mort.
« En temps de guerre, les femmes, les enfants
et le pauvre peuple ne sont pas des ennemis. Ils doivent être
sacrés pour l'homme de guerre. » DUGUESCLIN.
Un jour que Frantz était assis
sur un tas de cordages à côté du vieux pilote, Julien
s'approcha, son livre à la main.
– Qu'est-ce que tu lis là, petit ? demanda
l'oncle Frantz.
– Mon oncle, je lis ce qu'il y a dans mon livre sur la
Bretagne et sur ses grands hommes ; nous sommes justement encore en face
des côtes de la Bretagne, et il me semble que c'est un beau pays.
– Certes, dit l'oncle Frantz : mais voyons, lis
tout haut.
– Et lis bien, ajouta le père Guillaume, nous
t'écoutons.
La Bretagne a donné à la France beaucoup
d'hommes vaillants ; parmi eux on remarque Duguesclin.
– Oh ! je connais ce nom-là, dit Julien en
s'interrompant ; j'ai vu, en passant à Nantes, la statue de
Duguesclin.
LA BRETAGNE, avec ses côtes de granit et ses
îles rongées par les flots, renferme une population courageuse de
marins. Elle compte de nombreux ports de mer parmi lesquels on distingue les
villes importantes de Nantes (133 000 hab.), Brest (84 200 hab.),
Lorient (44 500 hab.), Vannes, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Quimper.
L'ancienne capitale est Rennes, située sur l'Ille et la Vilaine
(74 600 hab.). – La ville la plus importante du MAINE est le Mans
(63 200 hab.), connue par ses toiles et ses poulardes. Laval (36 000
hab.) fabrique aussi beaucoup de toiles. Dans l'ANJOU, Angers (82 300 hab.)
fabrique des tissus de tout genre et fait un grand commerce d'ardoises. –
Tours (64 600 hab.), ancienne capitale de la TOURAINE, fabrique des
soieries.
DUGUESCLIN
naquit, en 1314, près de Rennes, l'antique et belle capitale de la
Bretagne, Duguesclin était laid de figure, il avait un caractère
intraitable, mais il était plein de courage et d'audace. Dès
l'âge de seize ans, il trouve moyen de prendre part, sans être
connu, à un de ces combats simulés qu'on appelait
tournois, et qui
étaient une des grandes fêtes de l'époque. Il entre au
milieu des combattants avec la visière de son casque baissée, pour
n'être reconnu de personne, et terrasse l'un après l'autre seize
chevaliers qui s'offrent à le combattre. Au moment où il
terrassait son dernier adversaire, celui-ci enlève son casque du bout de
sa lance et on reconnaît le jeune Bertrand Duguesclin. Son père
accourt à lui et l'embrasse : il est proclamé vainqueur au
son des fanfares.
Après s'être ainsi fait connaître,
Duguesclin entra dans l'armée et commença à combattre les
Anglais, qui occupaient alors une si grand partie de la France.
Il remporta sur eux une série de victoires ;
par malheur, un jour il se trouva vaincu et fut fait prisonnier. Le
prince noir, fils du roi d'Angleterre,
fit faire bonne garde autour de lui, et on le tint en prison à Bordeaux.
Il languit ainsi plusieurs mois. Un jour le prince le fit amener devant
lui :
– Bertrand, dit-il, comment
allez-vous ?
– Sire, j'irai mieux quand vous voudrez
bien ; j'entends depuis longtemps dans ma prison les rats et les souris qui
m'ennuient fort ; je n'entends plus le chant des oiseaux de mon pays, mais
je l'entendrai encore quand il vous plaira.
UN TOURNOI AU MOYEN ÂGE. – Les
tournois ( mot
qui vient de
tournoyer) étaient,
au moyen âge, de grandes fêtes publiques et militaires où
l'on simulait des combats. Tantôt deux chevaliers se précipitaient
l'un sur l'autre pour rompre une lance et cherchaient à se renverser,
tantôt ils faisaient semblant d'assiéger une place, tantôt
ils se jetaient tous les uns contre les autres, représentant une
mêlée furieuse. Après le tournoi, des prix étaient
décernés aux vainqueurs par les dames.
– Eh bien, dit le prince, il ne tient qu'à
vous que ce soit bientôt.
Et le prince essaya de lui faire jurer de ne plus
combattre pour sa patrie. Bertrand refusa.
On finit par convenir que Bertrand Duguesclin
recouvrerait sa liberté en payant une énorme somme d'argent pour
sa rançon.
– Comment ferez-vous pour amasser tant
d'argent ? dit le prince.
– Si besoin est, répliqua Bertrand, il n'y
a femme ou fille en mon pays, sachant filer, qui ne voudrait gagner avec sa
quenouille de quoi me sortir de prison.
On permit alors à Duguesclin d'aller chercher
lui-même tout cet argent, sous le serment qu'il viendrait le
rapporter.
Duguesclin quitta Bordeaux monté sur un roussin
de Gascogne, et il recueillit déjà, chemin faisant, une partie de
la somme.
Mais voilà qu'il rencontre de ses anciens
compagnons d'armes, qui, eux aussi, avaient été mis en
liberté sur parole et ne pouvaient trouver d'argent pour se
racheter.
– Combien vous faut-il ? demanda
Bertrand.
Les uns disent « cent
livres ! » les autres « deux cents
livres ! » et Bertrand les leur donne.
Quand il arrive en Bretagne, à son château
où résidait sa femme, il avait donné tout ce qu'il avait.
Il demanda alors à sa femme de lui remettre les revenus de leur domaine
et même ses bagues, ses bijoux.
– Hélas ! répondit-elle, il ne
me reste rien, car il est venu une grande multitude de pauvres écuyers et
chevaliers, qui me demandaient de payer leur rançon. Ils n'avaient
d'espoir qu'en moi, et je leur ai donné tout ce que nous
possédions.
Duguesclin serra sa femme sur son coeur.
– Tu as fait tout comme moi, lui dit-il, et je te
remercie d'avoir si bien compris ce que j'aurais fait moi-même à ta
place.
Alors Bertrand se remit en route pour aller retrouver le
prince Noir.
– Où allez-vous loger ? lui demanda
celui-ci.
– En prison, monseigneur, répondit
Bertrand. J'ai reçu plus d'or, il est vrai, qu'il n'était
nécessaire pour me libérer ; mais j'ai tout
dépensé à racheter mes pauvres compagnons d'armes, de sorte
qu'il ne me reste plus un denier.
– Par ma foi ! avez-vous été
vraiment assez simple que de délivrer les autres pour demeurer
vous-même prisonnier ?
– Oh ! sire, comment ne leur aurais-je pas
donné ? Ils étaient mes frères d'armes, mes
compagnons.
Duguesclin ne resta pourtant point en prison : peu
de temps après son retour, on vit arriver aux portes de la ville des
mulets chargés d'or. C'était le roi de France qui envoyait la
rançon de son fidèle général.
Duguesclin put donc recommencer à combattre pour
son pays. Il chassa successivement les Anglais de toutes les villes qu'ils
occupaient en France, sauf quatre.
Duguesclin était déjà vieux et il
combattait encore ; il assiégea la forteresse de
Châteauneuf-de-Randon, située dans les montagnes des
Cévennes. Le gouverneur de la ville promit de se rendre, mais Duguesclin
mourut sur ces entrefaites ; la ville se rendit néanmoins au jour
fixé, et on apporta les clefs des portes sur le tombeau de Duguesclin,
comme un dernier hommage rendu à la mémoire du
généreux guerrier.
DUGUESCLIN, né en 1314, près de Rennes, mort
en 1380. Il fut le grand lieutenant du roi Charles V, qui aimait peu la guerre
mais qui, grâce à Duguesclin, put défendre la France contre
les Anglais et en reconquérir la plus grande partie.
– Julien, dit l'oncle Frantz,
tu as très bien lu cette histoire. Mais je veux à présent
que tu nous dises, à Guillaume et à moi, ce que tu en
penses.
– Mon oncle, je pense que ce Duguesclin était
un bien parfait honnête homme.
– Cela, dit l'oncle Frantz, ce n'est pas difficile
à trouver, Julien ; mais voyons, explique-nous pourquoi. Lire n'est
rien, comprendre ce qu'on lit est tout.
Julien réfléchit, et, après un petit
moment qu'il employa à mettre ses idées en ordre, il
répondit :
– D'abord, mon oncle, Duguesclin était
très brave et aimait beaucoup sa patrie ; ensuite il était
plein de compassion pour les autres, puisqu'il songeait plus à ses
compagnons qu'à lui-même ; et enfin, ajouta le petit Julien en
regardant son ami Guillaume, il savait si bien tenir sa parole qu'il revint de
lui-même se remettre prisonnier, après avoir dépensé
sa rançon pour la liberté de ses camarades.
– Allons, Julien, dit l'oncle Frantz, tu lis avec
profit, mon enfant, puisque tu comprends bien tes lectures. Tâche de ne
pas les oublier à présent. Car rien n'encourage mieux à
devenir un honnête homme que de se souvenir des belles actions de ceux qui
ont vécu avant nous.