LXXX. – Un grand ingénieur du Languedoc,
Riquet. – Un grand navigateur, La Pérouse.
Celui qui accomplit une oeuvre utile ne doit point se
laisser décourager par la jalousie : tôt ou tard, on lui
rendra justice.
I. Riquet naquit au commencement
du dix-septième siècle, à Béziers, où on lui
a élevé une statue. L'idée qui le préoccupa toute sa
vie fut celle d'établir un canal entre l'Océan et la
Méditerranée, et d'unir ainsi les deux mers. Mais, entre
l'Océan et la Méditerranée, on rencontre une chaîne
de montagnes qui s'élève comme une haute muraille : les
Cévennes ou Montagnes-Noires. Comment faire franchir une chaîne de
montagnes par un canal ? Tel était le problème que Riquet se
posait depuis longtemps.
Un jour, dit-on, il était
dans la montagne, sur le col de Naurouze, qui sépare le versant de
l'Océan du versant de la Méditerranée. Là, regardant
les plaines qui s'étendaient à sa droite et à sa gauche, il
pensait encore à ses projets. Tout d'un coup un ruisseau qui coulait
à ses pieds vers l'Océan, rencontrant un obstacle, se trouva
refoulé en arrière et se mit à descendre du
côté opposé, vers la Méditerranée. Cette vue
frappa l'esprit de Riquet comme un trait de lumière.
– Oh ! se dit-il, c'est ici la ligne de
partage des eaux, si je pouvais amener assez d'eau à cet endroit
où je suis, je pourrais ainsi alimenter à la fois les deux
côtés d'un canal allant par ici à l'Océan, et par
là à la Méditerranée.
INGENIEURS DES PONTS ET CHAUSSEES DEVANT UN PLAN. –
L'ingénieur placé à droite mesure l'élévation
du terrain à l'aide d'un instrument appelé
niveau. Pour
cela il regarde à travers cet instrument la
mire que tient l'homme placé
dans le fond, Celui qui est penché vers la terre mesure la superficie du
terrain à l'aide d'une longue chaîne dite
chaîne d'arpenteur.
Alors Riquet se mit à l'oeuvre. Il explora les
montagnes de tous côtés, découvrit des sources qui coulaient
sous les rochers, fit des plans de toute sorte et enfin trouva la
quantité d'eau nécessaire pour alimenter le canal qu'il
projetait.
Il alla proposer ses plans au grand homme qui
était alors ministre, Colbert, dont on vous parlera plus tard. Colbert
comprit l'importance de l'idée de Riquet. Avec son aide, Riquet
commença cette entreprise qui, pour l'époque, était
gigantesque. Mais que d'obstacles il eut à surmonter ! Il n'avait
pas les titres d'ingénieur et il était l'objet de la jalousie des
ingénieurs en titre. Sans cette il rencontrait leur opposition, il fut
même forcé de faire percer secrètement une montagne que ces
derniers avaient déclarée impossible à percer.
RESERVOIR D'EAU POUR LE CANAL DU MIDI. – Pour
retenir l'eau et la distribuer avec mesure, on a imaginé depuis longtemps
de construire de grands réservoirs. Dans le canal du Midi, on a
fermé des vallées par de larges murailles ; l'eau se trouve
ainsi emprisonnée entre la montagne et le mur : en s'écoulant
par une cascade ou par de grands robinets, elle alimente le canal
été comme hiver.
Il fit
aussi construire de vastes réservoirs où vient s'accumuler l'eau
de la montagne : pour cela, il barra avec un mur énorme un vallon
où vont de toutes parts se rendre les eaux. De ces réservoirs
l'eau jaillit avec un bruit de tonnerre. Elle arrive ensuite au col de Naurouze,
et de là elle redescend doucement vers les deux mers, retenue tout le
long de son chemin par des écluses qu'on ouvre et qu'on referme pour
laisser passer les bateaux.
Riquet, fatigué par son immense travail et par
toutes les contrariétés qu'il avait subies, mourut six mois avant
l'achèvement de son entreprise, mais elle fut continuée et
menée à bonne fin par ses deux fils. Plus tard, la France a su
rendre justice à Paul Riquet, et on a chargé le
célèbre sculpteur David d'Angers de lui élever une statue
dans sa ville natale.
Julien avait lu avec attention la vie de Riquet.
–Oh ! pensa-t-il, je suis content de savoir
l'histoire de ce beau canal qui a été si difficile à
creuser et où notre bateau passe si facilement aujour'dhui ! Je m'en
vais, pendant notre voyage, regarder ces grands travaux-là tout le long
de la route... Voyons maintenant ce qui vient à la suite.
II. C'est aussi dans le Languedoc, à Albi, qu'est
né un des plus grands navigateurs dont le nom est connu de tous, LA
PÉROUSE. Tout jeune encore, ayant lu le récit des longs voyages
sur mer et des découvertes de pays nouveaux, il fut pris du désir
d'être marin, entra à l'école de marine, puis dans la marine
royale.
LA PÉROUSE, né à Albi en 1741, mourut
vers l'année 1788, aux environs des îles Vanikoro.
Après de nombreuses
expéditions sur mer, où il s'était distingué par son
habileté et son courage, le roi Louis XVI le chargea de faire un grand
voyage autour du monde en cherchant des terres nouvelles ou de nouvelles routes
pour les navigateurs.
Dans sa lettre à La
Pérouse, Louis XVI lui disait ces belles paroles : « Que des
peuples dont l'existence nous est encore inconnue apprennent de vous à
respecter la France, qu'ils apprennent surtout à la chérir... Je
regarderai comme un des succès les plus heureux de l'expédition
qu'elle puisse être terminée sans qu'il en ait coûté
la vie à un seul homme ».
Pendant trois ans La Pérouse voyagea de pays en
pays, de mers en mers. Il envoyait de ses nouvelles par les vaisseaux qu'il
rencontrait ou par les côtes habitées où il
relâchait.
SAUVAGES DE L'OCÉANIE. – Une grande partie
des îles de l'Océanie est peuplée par des sauvages de race
malaise. Ils ont le teint d'un rouge de brique foncé, le nez court et
gros, la bouche très large, les yeux bridés, les cheveux noirs.
Ils sont habiles marins et se hasardent au loin sur leurs pirogues
d'écorce : ils assaillent et pillent les vaisseaux que la
tempête jette sur leurs côtes ; plusieurs tribus sont
anthropophages.
Puis tout à coup on ne
reçut plus de lui ni de ses compagnons aucun message. Toutes les nations
de l'Europe, qui suivaient de loin avec intérêt le grand navigateur
français, commencèrent à s'émouvoir. On envoya des
navires à sa recherche. Avait-il fait naufrage, était-il
enfermé dans quelque île déserte ou prisonnier chez des
peuples sauvages ? On ne le savait, et pendant longtemps on ignora ce qu'il
était devenu.
Enfin, en 1828, un autre navigateur non moins
célèbre, Dumont d'Urville, né en Normandie,
découvrit, après bien des recherches, dans une île de
l'Océanie, les débris des deux navires naufragés, des
ferrures, des instruments, de la vaisselle, des canons roulés par les
flots. Il retrouva la montre même de La Pérouse entre les mains des
indigènes ; il interrogea ces derniers, qui lui répondirent
qu'autrefois une tempête furieuse avait brisé deux navires, la
nuit, sur les rochers de l'île. D'après les réponses
embarrassées des sauvages qui firent ce récit, Dumont d'Urville
soupçonna que la tempête n'avait peut-être pas fait
périr tout l'équipage ; peut-être plusieurs
naufragés, et La Pérouse lui-même, avaient-ils pu gagner
l'île ; mais là ils s'étaient trouvés chez des
tribus barbares qui avaient dû leur faire subir de mauvais
traitements.
D'Urville éleva, sur le
rivage désert de l'île bordée d'écueils, un
mausolée qui rappelle le souvenir du malheureux La
Pérouse.$$$