LXXXIII. – Toulouse.
– Un grand jurisconsulte, Cujas.
« Il suffit de savoir les vingt-quatre lettres de
l'alphabet et de vouloir ; avec cela, on apprend tout le reste.
»
A Toulouse, il fallut se donner bien
de la peine, car l'ancienne capitale du Languedoc, peuplée de
150 000 âmes, est une grande ville commerçante : le
Perpignan lui apportait quantité
de marchandises, principalement de beaux blés durs d'Afrique, que l'on
débarqua avec l'aide d'André au magnifique
moulin du Bazacle, sur la
Garonne.
TOULOUSE ET LE CAPITOLE. – Le Capitole était
un mont de l'ancienne Rome, au sommet duquel un temple était
bâti ; ce nom a été donné par Toulouse à
son superbe hôtel de ville. Toulouse est comme la capitale du sud-ouest de
la France : c'est à la fois une ville savante et une ville
industrieuse. Elle est l'entrepôt de toutes les marchandises qui se
rendent de la Méditerranée dans l'Océan.
–
Rappelle-toi, petit Julien, dit André, que la meunerie est une des
industries où la France fait merveille . Ce n'est pas le tout de faire
pousser du blé, vois-tu ; il faut savoir en tirer les plus belles
farines. Eh bien, les farines de France sont renommées pour leur finesse,
et Toulouse est dans cette partie du midi le grand centre de la meunerie.
Revenu au bateau, Julien prit son livre et lut la vie d'un
des grands hommes de Toulouse.
A Toulouse naquit, au seizième siècle, un
enfant nommé Jacques CUJAS, qui montra de bonne heure un ardent
désir de s'instruire. Son père n'était qu'un pauvre ouvrier
qui travaillait à préparer et à fouler la laine, un
foulon. Le petit Cujas supplia son
père, tout en travaillant avec lui, de lui donner un peu d'argent pour
acheter des livres. Le père finit par lui en donner, et l'enfant, au lieu
d'acheter des livres qui eussent pu l'amuser, acheta des grammaires grecques et
latines, des ouvrages anciens fort sérieux, grâce auxquels il
espérait s'instruire. Le jeune Cujas, sans aucun maître, se mit
à apprendre le latin et le grec, et il travailla avec tant de courage
qu'il sut bientôt ces deux langues difficiles.
A cette époque, Toulouse
était comme aujourd'hui une ville savante, et elle avait une grande
école de droit. La science du droit, enfants, est une belle
science : elle enseigne ce qui est permis ou défendu dans un pays,
ce qui est juste ou injuste envers nos concitoyens. Elle étudie
également quelles sont les lois les meilleures et les plus sages qu'un
pays puisse se donner, quels sont les moyens de perfectionner la
législation et de rendre ainsi les peuples plus heureux.
Le jeune Cujas voulut être un grand homme de loi,
un grand jurisconsulte. Il
étudia donc le droit sous la direction d'un professeur qui avait
été frappé de son intelligence. Bientôt il devint
professeur à son tour, et sa réputation était si grande que
les jeunes gens venaient de toutes les parties de l'Europe afin d'avoir pour
maître Cujas. Plus tard, Cujas professa successivement le droit à
Cahors, à Valence, à Avignon, à Paris, à Bourges.
Ses élèves le suivaient partout, comme une cour suit un prince. On
lui offrit d'aller en Italie enseigner le droit ; il ne voulut pas quitter
sa patrie.
La bonté de Cujas égalait son
génie : il aidait à chaque instant de sa bourse les
étudiants, qui avaient pour lui non moins d'affection que de
respect.
Les travaux de Cujas ont été fort utiles
aux progrés de la science du droit en France, et à celui des
bonnes lois. Encore aujourd'hui on étudie avec admiration ses savants
ouvrages. On lui a élevé une statue à Toulouse sur une des
places de la ville, devant le palais du tribunal où se rend la
justice.
CUJAS, né en 1522,
mort à Toulouse, en 1590.