Titre Précedent Suivant Sommaire Index | LXXV. – Promenade au port de Marseille. Visite à un grand paquebot. – Les cabines des passagers, les hamacs des matelots ; les étables, la cuisine, la salle à manger du navire. |
LXXV. – Promenade au port de Marseille. Visite
à un grand paquebot. – Les cabines des passagers, les hamacs des
matelots ; les étables, la cuisine, la salle à manger du
navire.
La première embarcation des hommes a
été un tronc d'arbre. Que de progrès accomplis depuis de
jour ! Le simple tronc d'arbre est devenu une vraie ville flottante.
Dès le lendemain, André
commença à se rendre utile au patron, voulant dédommager de
la nourriture et du coucher qu'il leur donnait. Le jeune garçon descendit
donc de bonne heure, vêtu de ses habits de travail, et suivit le marin au
port, où l'on devait achever le chargement du bateau.
Le bateau de Jérôme faisait le petit cabotage
de la Méditerranée, c'est-à-dire la navigation sur les
côtes, transportant d'un port à l'autre les marchandises. En ce
moment, c'était un chargement de sapins du Nord, qu'il s'agissait de
transporter à Cette pour faire des mâts de navire. André
aida de tout son courage au chargement.
Le petit Julien, resté à la maison, gardait
les enfants de la femme du marin, pendant que celle-ci, profitant de cette aide,
était allée laver un gros paquet de linge.
A l'heure du dîner, André mangea rapidement,
puis il prit Julien dans ses bras : – Comme tu dois t'ennuyer
immobile ainsi, lui dit-il. J'ai une bonne heure de repos devant moi, et je vais
en profiter pour te montrer quelque chose de bien intéressant. Nous
allons voir le port et les grands navires qui traversent l'Océan ;
j'ai obtenu d'un matelot la permission de visiter l'intérieur d'un
magnifique bateau à vapeur.
Julien tout joyeux passa un bras autour du cou de son
frère, et un quart d'heure après ils étaient sur le
quai.
– Oh ! s'écria Julien, que de
navires ! Il y en a de toutes les grandeurs.
– Et ils viennent de tous les pays, dit André.
Regarde celui-ci, qui est un des plus beaux du port en ce moment ; c'est
celui que nous allons voir. Il a fait la traversée de la Chine en
France : il est arrivé ici avant-hier.
André, tenant Julien avec précaution,
descendit dans une barque, et le batelier les conduisit en ramant auprès
du grand navire, peint en noir, et orné de dorures, qui s'élevait
bien au-dessus d'eux comme un édifice porté par l'eau.
PAQUEBOT A VAPEUR. – On nomme
paquebots des
navires à vapeur, à marche rapide, servant au transport des
passagers et des lettres. Les paquebots
transatlantiques
sont ceux qui traversent l'Océan Atlantique, par exemple du Havre
à New-York qui peuvent contenir plusieurs milliers de passagers.
Ils montèrent avec précaution l'escalier
mobile qui est attaché au flanc du bâtiment, et bientôt tous
les deux se trouvèrent sur le
pont, c'est-à-dire sur le
plancher supérieur ; car les grands vaisseaux sont comme des maisons
flottantes à plusieurs étages, et chacun de ces étages
s'appelle un pont.
Le marin auquel André avait parlé à
l'avance les attendait. Il leur fit faire le tour de la vaste plate-forme. Il
leur montra à un des bouts la roue au moyen de laquelle on manoeuvre le
gouvernail ; la cabine du capitaine était près de là,
mais il était défendu d'y entrer sans permission. De chaque
côté du navire étaient suspendus en l'air des chaloupes et
canots, que l'on peut faire glisser dans la mer, et qui servent aux marins
à quitter ou à regagner le navire.
– Voyez ces petites embarcations, dit le
matelot ; si par malheur le paquebot venait à être
incendié ou à sombrer en pleine mer, c'est dans ces chaloupes ou
ces canots que nous nous réfugierions, marins et passagers.
LES QUATRE RACES D'HOMMES. – La race blanche, la
plus parfaite des races humaines, habite surtout l'Europe, l'ouest de l'Asie, le
nord de l'Afrique et l'Amérique. Elle se reconnaît à sa
tête ovale, à une bouche peu fendue, à des lèvres peu
épaisses. D'ailleurs son teint peut varier. – La race jaune occupe
principalement l'Asie orientale, la Chine et la Japon : visage plat,
pommettes saillantes, nez aplati, paupières bridées, yeux en
amandes, peu de cheveux et peu de barbe. – La race rouge, qui habitait
autrefois toute l'Amérique, a une peau rougeâtre, les yeux
enfoncés, le nez long et arqué, le front très fuyant.
– La race noire, qui occupe surtout l'Afrique et le sud de
l'Océanie, a la peau très noire, les cheveux crépus, le nez
écrasé, les lèvres épaisses, les bras très
longs.
– Sont-elles petites, dit
Julien, en comparaison du grand navire ! on dirait des coques de
noix.
– Heureusement, de tels accidents sont rares, dit le
marin. Le vaisseau est solide ; il est presque tout en fer.
Pendant ce temps, des matelots chargés du service des
cuisines ou du transport des marchandises allaient et venaient autour des
enfants. Il y en avait de tous les pays et presque de toutes les races d'hommes,
les uns jaunes, les autres noirs. A quelques pas, un jeune chinois au teint
olive, la tête ornée d'une longue queue, les pieds nus dans des
sandales pointues, pompait de l'eau. – Quoi ! dit Julien, il y a une
pompe ici comme dans une cour.
– Certes oui, dit le marin : nous avons dans le
fond du navire un réservoir d'eau douce : comment ferions-nous sans
eau bonne à boire pendant une traversée qui dure trois
mois ?... Voulez-vous voir à présent notre
étable ?
– Votre étable ! répondit Julien
avec étonnement.
– Mais oui, dit le marin, en montrant des
espèces de grandes cages d'une propreté exquise, dans lesquelles
il y avait une vache, des veaux et des moutons. Voici un agneau qui est
né à bord du navire ; c'est le favori du capitaine : on
le laisse de temps en temps se promener en liberté sur le pont. A
côté, voilà les poules qui nous donnent de bons oeufs frais
pour les malades.
CABINE DE PASSAGERS A BORD D'UN NAVIRE. – Les
cabines des passagers sont si basses d'étage, qu'on touche presque le
plafond de la tête ; ordinairement on met plusieurs lits l'un sur
l'autre pour ménager mieux la place. Les petites fenêtres sont
protégées par des serrures solides, afin qu'on puisse les fermer
hermétiquement pendant les tempêtes, car, sans cette
précaution, les vagues jailliraient dans les cabines.
Julien n'en pouvait croire ses yeux.
Ce qui le surprenait le plus, c'était l'ordre admirable et la
propreté qui régnaient à bord.
– Songez donc, mon petit, dit le marin, que sans
propreté il n'y a de santé pour personne, surtout pour le
matelot.
Après avoir visité le pont, on descendit par
un escalier en bois à l'étage inférieur. – Je vais
vous montrer, dit le marin, les chambres ou cabines où couchent les
passagers.
Il ouvrit une des portes, et Julien vit une chambrette fort
propre avec une table, des chaises, des fauteuils. Pour ménager la place,
plusieurs petits lits étaient placés les uns au-dessus des
autres.
– Quand on veut monter dans le second lit, dit le
marin, on prend une chaise, et on se trouve au-dessus de son voisin.
Au fond était une petite fenêtre,
hermétiquement close pour empêcher l'eau des vagues de
pénétrer à l'intérieur.
Puis ce furent les salles de bains qu'on visita avec leurs
jolies baignoires, la salle à manger avec sa longue table ; on
regarda les buffets, où les verres et les assiettes étaient
fixés pour éviter que le mouvement du navire ne les brisât.
Au-dessus de la table pendait une toile tendue : – Voyez-vous ?
dit le marin, quand les passagers dînent et que la chaleur est trop forte,
par exemple sur la mer Rouge ou sous l'équateur, un Chinois placé
près de la porte agite cette toile avec une corde : la toile se
remue alors comme un grand éventail, et donne de l'air aux passagers...
Ce piano, qui est au fond de la salle, sert à égayer les longues
soirées à bord du navire.
– Comme tout est prévu ! disait
Julien ; ce navire est une vraie ville qui se promène sur
l'eau.
– Mais où couchent donc les matelots ?
demanda André.
– Venez, venez, dit le marin. – Et on entra dans
une grande salle basse. – Voici notre dortoir, dit-il.
– Comment cela ? reprit Julien, je ne vois pas un
lit.
– Patience, j'en vais faire un pour vous
montrer.
HAMACS DES MATELOTS – Dans les navires, où
l’on a si peu de place, il faut que des centaines d’hommes couchent
dans un très petit espace : les matelots ne se servent point de
lits. Ils ont de petites couchettes qu’on ramasse le jour et qu’on
suspend le soir.
Et en moins de rien le marin saisit
au plafond un paquet qu'il déroula. C'était une natte de forte
toile, longue et étroite. Il accrocha une des extrémités
à un crochet fixé au plafond, l'autre à un second crochet
placé à deux mètres de distance ; puis, tenant des
deux mains à l'un des crochets, il s'enleva de terre et bondit dans cette
couchette suspendue en l'air.
– Voici, dit-il le lit fait et votre serviteur dedans.
J'ai de plus une couverture pour m'envelopper. C'est tout ce qu'il faut au
matelot pour dormir à l'aise dans son hamac, bercé par la mer au
bruit des vagues.
– Alors, dit Julien, tous les crochets que je vois
servent pour les lits de tous les matelots ?
– Justement, mon petit. Et voyez, chaque crochet a un
numéro d'ordre, chaque hamac aussi. Il y a quarante numéros, nous
couchons ici quarante hommes, et avons chacun le nôtre.
On visita aussi les cuisines avec leurs grands fourneaux que
chauffe la machine à vapeur du navire, puis la boulangerie et le four.
Enfin on allait, on venait, montant et descendant les différents
étages, et, chemin faisant, on rencontrait des Chinois aux larges
pantalons jaunes, ou des Arabes aux yeux brillants et sauvages, car une partie
des hommes de peine du navire est composée de Chinois et
d'Algériens.
Lorsqu'on eut bien tout examiné, on remercia le marin
et on s'en alla vite ; car André ne voulait pas être en retard
pour l'heure du travail.
– Que tu es bon de te donner tant de peine pour moi,
mon frère ! dit Julien, pendant qu'André l'emportait dans ses
bras. Cela doit bien te fatiguer de me soutenir toujours.
– Non, mon Julien, dit André, j'ai une bonne
santé et je suis fort ; ne crains pas de me fatiguer. C'est à
ceux qui sont plus forts d'aider les plus faibles, et je ne suis jamais si
heureux que quand nous partageons un plaisir ensemble.