Titre Précedent Suivant Sommaire Index | LXXIV. – L'idée du patron Jérôme. – La mer. – Les ports de Marseille.

LXXIV. – L'idée du patron Jérôme. – La mer. – Les ports de Marseille.

Aidons-nous les uns les autres.
Pendant le dîner, André raconta leur voyage de point en point, puis il chercha son livret d'ouvrier et ses certificats pour les montrer à Jérôme.
Jérôme avait écouté le récit d'André avec une grande attention ; il feuilleta de même son livret avec soin ; ensuite il réfléchit assez longtemps sans rien dire. Sa femme l'observait avec confiance. De temps à autre elle clignait de l'oeil en regardant André et Julien comme pour leur dire : – Soyez tranquilles, enfants, Jérôme va tout arranger.
Jérôme, en effet, sur la fin du dîner, sortit de ses réflexions silencieuses : – Je crois, dit-il, qu'il y aurait un moyen de vous tirer d'embarras, mes enfants.
– Quand je vous le disais ! s'écria la femme du marin avec admiration. – En même temps, le petit Julien faisait un saut de plaisir sur sa chaise, et André poussait un soupir de soulagement.
Jérôme reprit : – Avez-vous peur de la mer ?
– Oh ! monsieur, dirent à la fois les deux enfants, depuis si longtemps nous désirons la voir ! Nous n'avons pas pu encore aller sur le port depuis que nous sommes à Marseille, car nous sommes venus droit chez vous ; mais je vous réponds que nous n'aurons pas peur de la mer.
– A la bonne heure, reprit le marin. Eh bien, mon bateau vous mènera à Cette, un joli port du département de l'Hérault : je mets à la voile après-demain. Une fois à Cette, j'interrogerai les uns et les autres sur Volden ; nous autres, mariniers, nous nous connaissons tous, et déjà, à mon dernier voyage, j'avais chargé un camarade qui partait vers Bordeaux par le canal du Midi de prendre des informations sur l'adresse de Volden. Nous aurons donc, je l'espère, des nouvelles de votre oncle à Cette. Aussitôt on le préviendra de votre arrivée, et je vous confierai à un marinier qui vous conduira par le canal jusqu'à Bordeaux.
– Mais, monsieur, dit le petit Julien, les bateaux, ce sera peut-être encore trop cher pour notre bourse.
– Mon petit homme, vous avez un frère courageux qui ne craint point le travail : j'ai vu cela sur ses certificats. S'il veut faire comme je lui dirai et nous aider à charger ou décharger nos marchandises, non seulement le bateau ne lui coûtera rien, mais il gagnera votre nourriture à tous les deux et quelques pièces de cinq francs le long du chemin. Il aura du mal, c'est vrai, mais ici-bas rien sans peine.
– Comment donc ! s'écria André avec joie, je ne demande qu'à travailler. C'est ainsi que nous avons fait avec M. Gertal depuis Besançon jusqu'à Valence.
– Quel malheur, fit Julien, que je ne puisse marcher ! J'aurais fait les commissions, moi aussi, comme je faisais pour M. Gertal, et même je sais vendre un peu au besoin, allez, monsieur Jérôme.
Le patron sourit à l'enfant :
– Vous avez raison, petit Julien, répondit-il, d'aimer à vous rendre utile ; faites toujours ainsi, mon enfant. Dans la famille, voyez-vous, quand tout le monde travaille, la moisson arrive et personne ne pâtit. Mais en ce moment il ne faut songer qu'au repos, afin de vous guérir au plus vite.
Pendant qu'André et Julien remerciaient Jérôme, sa femme se mit à préparer pour les enfants l'ancienne chambre où couchait leur oncle. Cette chambre n'avait pas été louée depuis le départ de Frantz Volden. Les enfants, dès le soir même, y furent installés. C'était un petit cabinet haut perché sur une colline et qui dominait les toits de la ville.
Quand André ouvrit la fenêtre, il poussa un cri de surprise :
– Oh ! Julien, dit-il, que c'est beau !
Et, prenant Julien dans ses bras, il le porta jusqu'à la fenêtre. – La mer, la mer, s'écria Julien.
De la fenêtre, en effet, on découvrait à perte de vue la mer, d'un bleu plus foncé encore que le ciel ; on apercevait aussi les ports de Marseille et les navires innombrables dont les mâts se pressaient les uns contre les autres, agitant aux tourbillons du mistral leurs pavillons de toutes les couleurs. Les derniers rayons du soleil couchant emplissaient l'horizon d'une lumière d'or. Les deux enfants, serrés l'un contre l'autre, regardaient tour à tour l'immensité du ciel et celle de la mer, puis les trois ports pleins de navires et la grande ville qui s'étendait au-dessous d'eux. Devant ce spectacle si nouveau, ils étaient tout émus.
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MARSEILLE ET SES PORTS. – Marseille, le premier port de France, est une ville excessivement commerçante et industrielle de 491 200 habitants. Dans ses ports, que protègent de longues jetées, se rendent par milliers des vaisseaux venus de tous les points du globe. Elle fait un très important commerce avec l'Algérie et la Tunisie. Enfin, ses ateliers produisent une grande quantité d'objets de toute sorte ; ses seules savonneries donnent plus de 100 millions de kilogrammes de savon par an.
En même temps, ils pensaient avec joie aux bonnes paroles de Jérôme. – Je suis bien content, dit André, d'avoir entendu parler de notre oncle ; il me semble que je le connais à présent, et je l'aime déjà notre oncle Frantz !
– Et moi aussi, dit Julien. Quelle bonne idée il a de vouloir acheter un bout de champ ! C'est justement tout à fait mon goût. Ce serait si bon d'avoir un champ à cultiver, des vaches à soigner ! Oh ! André, je traverserais toutes les mers du monde rien que pour cela.
André sourit à l'enfant. – Allons, dit-il, je vois que mon Julien a la vocation de la culture, et que l'oncle Frantz et lui feront vite une paire d'amis. En attendant, il faut se reposer, afin d'avoir bien des forces pour le voyage qui n'est pas achevé, hélas !
– Ne t'inquiète pas, André. Je comprends combien notre entreprise était plus difficile que je ne l'imaginais ; mais j'ai pris la grande résolution de devenir persévérant, de ne plus me décourager à chaque traverse nouvelle et d'être toujours content de mon sort. D'ailleurs, nous rencontrons de l'aide partout. Comment oserions-nous nous plaindre !