Titre Précedent Suivant Sommaire Index | LXXVI. – La côte de Provence. – Toulon. – Nice. – La Corse. – Discussion entre les matelots ; quelle est la plus belle province de France ? Comment André les met d'accord. |
LXXVI. – La côte de Provence. –
Toulon. – Nice. – La Corse. – Discussion entre les
matelots ; quelle est la plus belle province de France ? Comment
André les met d'accord.
Ayons tous un même coeur pour aimer la
France.
Après avoir ramené son
frère à la maison, André continua d'aider toute la
journée Jérôme à charger le bateau, auquel le patron
avait donné le nom de la
Ville
d'Aix, en souvenir de son pays natal.
Le lendemain ce bateau, aussi modeste et pauvre que le
paquebot à vapeur était superbe, mit de bonne heure la
voile.
– Le vent est favorable, disait Jérôme,
il faut en profiter.
On sortit du port, et on passa devant les forts qui le
protègent, devant les murailles qui s'avancent en mer pour le
défendre contre la violence des vagues. Enfin, on vit s'ouvrir l'horizon
sans limite de la pleine mer, qui semblait dans le lointain se confondre avec le
ciel. Julien ne pouvait se lasser de regarder cette grande nappe bleue sur
laquelle le bateau bondissait si légèrement ; le vent enflait
les voiles et on marchait vite, André observait la manoeuvre avec
attention pour apprendre ce qu'il y avait à faire. La mer était
bonne, et les deux jeunes Lorrains n'éprouvèrent pas le mal de
mer.
LE CHÂTEAU D'IF ET LE FRIOUL. – Le donjon du
Château d'If a longtemps servi de prison. Le port du Frioul est
destiné aux quarantaines. Dans les temps de peste de de choléra,
on y fait séjourner les bateaux suspects et on ne leur permet d'entrer
à Marseille qu'après désinfection lorsqu'on a la certitude
que personne n'est malade.
Du bateau, on put apercevoir
longtemps Marseille, dont les innombrables maisons se pressaient au bord de la
mer, puis le sémaphore, la ceinture des hautes collines et, en pleine
mer, le château d'If avec le Frioul.
– Comme elle est belle, cette côte de
Provence ! dit Julien. Elle est toute découpée en caps
arrondis. Comment donc s'appellent ces montagnes qui ondulent, là-bas,
à droite ?
– Ce sont les montagnes qui entourent Toulon,
répondit le père Jérôme. Toulon est au loin tout au
fond. Voilà encore un port superbe ! Seulement ce ne sont plus
surtout des navires de commerce qui s'y abritent, comme à
Marseille : ce sont des vaisseaux de guerre, car Toulon est notre grand
port de guerre sur la Méditerranée. Les navires de la flotte ne
sont pas moins curieux à voir que les paquebots de passagers. Là,
tout est bardé de cuivre ou de fer, tout est cuirassé pour
résister aux boulets ennemis, et, de chaque côté du pont, on
voit les gueules menaçantes des canons.
– C'est dommage que nous ne passions pas par
Toulon.
TOULON. – Près de 100 000 habitants,
chef-lieu d'arrondissement du Var, est l'un des cinq grand ports militaires de
France, et l'une de nos préfectures maritimes. Toulon renferme un
important arsenal et est défendu par des forts.
– Merci,
petit ! Cela allongerait un peu trop notre route. Nous allons tout droit
à Cette sans perdre de temps.
Le bateau allait vite en effet, et parfois la
poussière humide des vagues arrivait jusque sur la figure de Julien.
Celui-ci voyait toujours se succéder devant lui les côtes et les
golfes de Provence, bordés de montagnes.
– Quelle superbe
contrée, disait le patron Jérôme, que cette Provence toute
couverte d'oliviers, de pins et d'herbes odorantes ! C'est mon pays,
ajouta-t-il fièrement, et vois-tu, petit, à mon avis, c'est le
plus beau du monde.
– Patron, dit l'un des marins, le lieu où l'on
est né est toujours le premier du monde. Ainsi, moi qui vous parle, je ne
connais rien qui me rie au coeur comme le joli comté de Nice, : car
je suis né là sur la côte, dans une petite maison
entourée d'orangers et de citronniers qui, toute l'année, sont
couverts de fleurs et de fruits. Ma mère était sans cesse
occupée à cueillir les citrons ou les oranges pour les porter
à Nice sur sa tête dans une grande corbeille. Nulle part je ne vois
rien qui me paraisse charmant comme nos bois toujours verts d'orangers, de
citronniers et d'oliviers, qui descendent des hauteurs de la montagne jusqu'au
bord de la mer. Tout pousse si bien dans notre chaud pays ! Il y a autant
de fleurs en hiver qu'au printemps ; pendant que la neige couvre les
contrées du nord, les étrangers malades viennent chercher chez
nous le soleil et la santé.
BOIS D'ORANGERS AUX ENVIRONS DE NICE. – L'oranger,
ce bel arbre aux fleurs si suaves et aux fruits d'or, fut apporté dans
nos pays pendant les croisades. Ses fruits mûrissent au printemps. Il ne
peut vivre en pleine terre que sous les chauds climats de la Provence, du
comté de Nice et du Roussillon.
– Et la
Corse, donc, s'écria l'autre marin. Quel pays, quelle
fertilité ! Elle a en raccourci tous les climats. Sur la côte,
du côté d'Ajaccio, c'est la douceur du midi ; notre campagne
est pleine aussi d'orangers, de lauriers et de myrtes, comme votre pays de Nice,
camarade. Nos oliviers sont dix fois hauts comme ceux de votre Provence, patron.
Et les palmiers peuvent croître chez nous comme en Algérie. Cela
n'empêche pas qu'on trouve sur nos hautes montagnes neuf mois d'hiver, de
neige et de glace, et de grands pins qui se moquent de l'avalanche.
PALMIER. – Les palmiers sont une famille d'arbres de
haute taille couronnés à leur sommet par un faisceau de larges
feuilles dites
palmes.
Le plus important des palmiers est le
dattier, qui produit des fruits
sucrés appelés dattes.
– Oui, dit le patron ; mais vous n'avez
guère de bras chez vous ; la Corse est peu peuplée, vos
terres sont souvent incultes.
– Patron, c'est vrai. Nous tenons plus volontiers un
fusil que la charrue. Mais patience, nos enfants s'instruisent, et ils
comprendront bientôt le parti qu'ils peuvent tirer des richesses du sol.
En attendant, la France nous doit le plus habile capitaine du monde,
Napoléon Ier.
– Eh bien, moi, dit le petit Julien, qui était
content aussi de donner son avis, je vous assure que la Lorraine vaut toutes les
autres provinces. Il n'y a point d'orangers chez nous, ni d'oliviers ; mais
on sait joliment travailler en Lorraine, les femmes comme les hommes, et l'on a
su s'y battre aussi ; car nous avons eu Jeanne d'Arc et de grands
généraux.
– Alors, pour nous mettre d'accord, dit André
en souriant, disons donc que la France entière, la patrie, est pour nous
tout ce qu'il y a de plus cher au monde.
LA CORSE fut cédée à la France en
1768. Elle forme un département dont les villes principales sont :
Ajaccio,
chef-lieu. Port de mer. 19200 hab. Patrie de Napoléon
1
er.
Bastia, cour
d’appel, 29400 hab.
Calvi,
Corte,
Sartène.
Elle possède d’admirables forêts.
– Bravo ! vive la France, dit d'une même
voix le petit équipage.
– Vive la patrie française !
reprit le patron Jérôme ; quand il s'agit de l'aimer ou de la
défendre, tous ses enfants ne font qu'un coeur.
LXXVII. – Une gloire de Marseille : le plus
grand des sculpteurs français, Pierre Puget. – Un grand orateur,
député d'Aix, Mirabeau. – Un législateur né en
Provence. – Le code français.
« Nul bien sans peine » (Pierre PUGET)
Pendant que le patron de la
Ville d'Aix s'éloignait pour
donner des ordres, Julien atteignit son fidèle compagnon de voyage, son
livre sur les grands hommes de la France.
– Voyons donc, se dit-il, pendant que tout le monde
est occupé, moi ne m'en vais faire connaissance avec quelques-uns des
noms célèbres de la Provence.
Et il se mit à lire avec attention.
I. A Marseille, naquit un grand homme qui fut à
la fois sculpteur, peintre et architecte, Pierre PUGET. La sculpture est l'art
de tailler dans la pierre, le marbre ou le bois, des hommes, des animaux ou
d'autres objets ; par exemple, les statues qui ornent les places publiques
sont l'oeuvre des sculpteurs.
PIERRE PUGET SCULPTANT UNE STATUE. – Pour sculpter,
l'artiste applique sur le bloc de marbre un ciseau et frappe dessus avec un
marteau. Ainsi il pratique avec adresse des creux et des saillies dans le
marbre, qui prend sous le ciseau la forme des êtres vivants.
Le jeune
travailla d'abord chez un constructeur de navires et, à l'âge de
seize ans, il se fit remarquer pour un superbe navire qu'il avait orné de
dessins et de sculptures en bois. A cette époque, on avait coutume
d'orner le devant des navires de statues, d'anges aux ailes
déployées de guirlandes dorées qui étincelaient au
soleil, et on s'adressait pour tous ces ornements à des sculpteurs
habiles.
Mais, à ce moment de sa
vie, le rêve du jeune Puget n'était pas de sculpter :
c'était d'apprendre la peinture et, pour l'étudier, d'aller en
Italie, où étaient alors les plus grands maîtres de cet art.
Dans ce but, il travailla avec courage comme ouvrier pendant un an, afin de
gagner la somme nécessaire à son voyage. Puis, à dix-sept
ans, il partir à pied, s'arrêtant en route quand l'argent lui
manquait, et recommençant à travailler jusqu'à ce qu'il
eût gagné de quoi aller plus loin. Comme on pense, il eut bien des
peines à endurer pour arriver au terme de sa route, et il se trouva
souvent dans la misère.
Une fois arrivé en Italie, il étudia la
peinture auprès de différents maîtres. Il montrait
déjà dans cet art un véritable génie, lorsqu'il
tomba gravement malade. Le médecin lui dit qu'il ne se guérirait
pas s'il continuait à peindre, à cause de l'odeur malsaine des
peintures, et qu'il lui fallait changer d'occupation pour sauver sa
santé. Le jeune peintre se trouva ainsi obligé de recommencer des
études nouvelles : il ne se découragea pas, et il reprit son
premier métier de sculpteur. Sa gloire ne prdit rien au change, car c'est
dans la sculpture qu'il a acquis, non sans des peines et des travaux incessants,
une impérissable renommée.
Pierre Puget avait gravé dans sa maison ces
paroles qui semblent résumer sa vie :
« Nul bien sans peine »
– Voilà une devise dont je veux me souvenir
toujours, dit Julien : cela me donnera du courage.
Il reprit ensuite son livre et continua :
II. C'est en Provence qu'habitait la famille des Mirabeau,
dont est sorti le plus grand de nos orateurs pendant la Révolution. Il
fut député d'Aix en 1789.
C'est aussi en Provence que naquit un rival de Mirabeau,
Portalis,, qui prit une grande part à la formation du Code Civil. Vous
savez, enfants, qu'on appelle
Code
le livre où sont réunies toutes les lois du pays : le
Code est le
Livre des lois. Eh bien, depuis la fin
du siècle dernier et le commencement du dix-neuvième
siècle, un code nouveau a été établi en
France ; Portalis est un de ceux qui ont le plus contribué à
faire ce code, à chercher les lois les plus sages et les plus justes pour
notre pays.
Le code français est une des gloires de notre
nation, et les autres peuples de l'Europe nous ont emprunté les plus
importantes des lois qu'il renferme. Ceux qui veulent devenir magistrats ou
avocats font de ces lois une étude approfondie, et on appelle Ecoles de
droit les établissements de l'Etat où l'on enseigne le code.
L'ECOLE DE DROIT A PARIS. – La principale
école de droit se trouve à Paris, en face du Panthéon. On
compte en France 13 facultés de droit.