Titre Précedent Suivant Sommaire Index | LXIII. — Le petit étalage d'André et de Julien sur une place de Lyon. — Les bénéfices du commerce. — L'activité, première qualité de tout travailleur. |
LXIII. — Le petit étalage d'André
et de Julien sur une place de Lyon. — Les bénéfices du
commerce. — L'activité, première qualité de tout
travailleur.
Être actif, c'est
économiser le temps.
C'était
plaisir de voir avec quel soin nos trois amis arrangeaient chaque jour, sur une
des places de Lyon les plus fréquentées, leur petit étalage
de marchandises.
Il y en avait là pour
tous les goûts. Dans un coin, c'étaient les beaux fruits de
l'Auvergne, les pâtes et vermicelles fins de Clermont ; dans une
autre, l'excellent coutellerie achetée à Thiers s'étalait
reluisante ; puis, au-dessus, les dentelles d'Auvergne se
déployaient en draperies ornementales, à côté de bas
au métier achetés dans le Jura. Enfin, sous une vitrine à
cet usage, brillaient dans tout leur éclat quelques montres de
Besançon avec chaînes et breloques, et des boucles d'oreilles
fabriquées en Franche-Comté ; puis des objets sculptés
dans les montagnes du Jura, anneaux de serviettes, tabatières, peignes et
autres, complétaient l'assortiment.
André, debout à un
coin, M. Gertal à l'autre, s'occupaient à la vente. Julien,
assis sur un tabouret, se reposait après chaque commission pour se
préparer à en faire d'autres.
Du coin de l'oeil il suivait,
avec un vif intérêt, le petit tas de coutellerie et le paquet de
dentelles qui représentaient leurs économies. Souvent, parmi les
passants affairés de la grande ville, quelques-uns s'arrêtaient
devant l'étalage, frappés du bon marché et de la belle
qualité des objets et aussi de l'air avenant des marchands. A mesure que
le tas diminuait et que le paquet arrivait à sa fin, la figure de Julien
s'épanouissait d'aise.
Un soir enfin, André
vendit à une dame son dernier mètre de dentelle et à un
collégien son dernier couteau. Les enfants comptèrent leur argent,
qu'André avait mis soigneusement à part, et, à leur grande
joie, ils virent qu'ils avaient 85 francs.
— 85 francs !
disait le petit Julien en frappant de joie dans ses mains. Quoi ! nous
avons plus du double d'argent que nous n'avions en quittant
Phalsbourg !
— C'est que, dit
M. Gertal, ni les uns ni les autres nous n'avons perdu de temps, ni
regretté notre peine.
— C'est vrai, dit
André, et vous nous avez donné l'exemple, monsieur Gertal.
— Voyez-vous, mes enfants,
reprit le patron, quand on a sa vie à gagner et que l'on veut se tirer
d'affaire, il n'y a qu'un moyen qui vaille : c'est d'être actif comme
nous l'avons été tous. Regardez autour de nous, dans cette grande
ville de Lyon, quelle activité il y a ! L'homme actif ne perd pas
une minute, et, à la fin de la journée, il se trouve que chaque
heure lui a produit quelque chose. Le négligent, au contraire, remet
toujours la peine à un autre moment ; il s'endort et s'oublie
partout, aussi bien au lit qu'à table et à la conversation ;
le jour arrive à sa fin, il n'a rien fait ; les mois et les
années s'écoulent, la vieillesse vient, il en est encore au
même point. C'est au moment où il ne peut plus travailler qu'il
s'aperçoit, mais trop tard, de tout le temps qu'il a perdu. Pour vous,
enfants, qui êtes jeunes, prenez dès à présent, pour
ne la perdre jamais, la bonne habitude de l'activité et de la
diligence.
— Oui, certes, pensait le
petit Julien, je veux être actif comme M. Gertal, qui trouve le temps
de faire tant d'ouvrage dans un jour. Tous les marchands ne lui ressemblent pas.
J'en vois beaucoup le long de notre route qui ne se donnent pas tant de
peine ; mais il me semble que ceux-là pourront bien être
obligés de travailler alors qu'ils n'en auront plus la force, tandis que
M. Gertal aura gagné de quoi se reposer sur ses vieux jours.
LA RUE DE LA RÉPUBLIQUE
À LYON. — Les grandes rues ne servent pas seulement à
charmer les yeux par la régularité et par la beauté de
leurs maisons ou de leur magasins ; elles assainissent les villes en
permettant à l'air d'y circuler plus librement.
—
C'est égal, reprit André pendant qu'on suivait la longue rue de la
République, la plus belle et la plus large de la ville, nous aurions eu
beau prendre de la peine, sans votre aide, monsieur Gertal, nous n'aurions pu
réussir. C'est à vous que nous devons tout cet argent
gagné. Que vous avez été bon de nous aider ainsi à
nous tirer d'affaire !
— Mes enfants, c'est un
service qui m'a peu coûté : vous avez profité des frais
que je fais pour mon commerce à moi-même. Que cela vous soit une
leçon pour plus tard : n'oubliez jamais ce que nous avons fait
ensemble et ce que font tous les jours les paysans du Jura dans leurs
associations. Si tous les hommes associaient ainsi leurs efforts, ils
arriveraient vite à triompher de leurs misères.