CXV – (Suite.) La fosse aux ours. –
L'éléphant.
Julien serait resté volontiers toute une
journée à regarder les singes, mais il y avait encore bien des
choses à voir.
– Allons maintenant rendre visite à Martin, dit
l'oncle.
– Martin, dit Julien avec étonnement ; qui
est-ce donc ?
– Tu vas le voir, répondit l'oncle
Frantz.
Et on s'approcha d'un petit mur, qui bordait comme un
parapet une large fosse. Julien s'avança et aperçut au fond un
ours de belle taille près d'un réservoir d'eau vive. L'ours
paraissait de bonne humeur, il galopait de droite et de gauche en se dandinant
et en regardant du coin de l'oeil la rangée de spectateurs. Puis tout
d'un coup, comme s'il eût compris ce que tout le monde attendait de lui,
il s'avança gravement vers un arbre mort placé au milieu de sa
fosse, et, l'empoignant entre ses fortes pattes, il se hissa assez rapidement
jusqu'aux branches les plus hautes. Là, presque au niveau de la foule, il
regarda tout le monde avec satisfaction. On le salua par une acclamation, et on
lui lança force bouchées de pain en récompense.
LA FOSSE DES OURS AU JARDIN DES PLANTES. – L'ours se
trouve dans toutes les parties du monde. Il recherche les montagnes et les
forêts solitaires, où il trouve un abri contre les chasseurs.
– Il y en a encore dans les Alpes et les Pyrénées. L'ours
marche lourdement, mais nage et grimpe aux arbres avec agilité. Il est
assez intelligent, et, comme il peut facilement se tenir sur ses pieds de
derrière, les bateleurs lui apprennent à danser et à
exécuter divers tours.
Julien
émerveillé riait de plaisir, car il n'avait jamais vu d'ours
grimper aux arbres.
RHINOCÉROS. – C'est un
mammifère
de grande taille. Il a la tête courte avec de petits yeux, le museau
armé d'une corne, ou de deux, dont il se sert pour l'attaque ou la
défense. La force du rhinocéros est extraordinaire ; il
attaque même l'éléphant. On le chasse pour sa chair et pour
sa peau, qui forme un cuir impénétrable.
– Mais cela n'a pas l'air
méchant, un ours, dit Julien.
– Mais non, pas trop, dit l'oncle Frantz, à
condition qu'il n'ait pas grand'faim et qu'on ne l'irrite pas. Il y en a parmi
les ours auxquels il ne faudrait pas se fier. Tiens, regarde celui-ci, dit-il en
montrant à Julien dans une autre fosse un ours blanc de haute taille qui
se promenait la tête basse en grognant de temps à autre.
Celui-là vient des glaces du Nord. Là, il n'y a point de
végétation, rien que de la glace ; et l'ours, qui partout
ailleurs se nourrit de préférence de plantes, est réduit
à ne vivre que d'animaux et surtout de poissons, auxquels il fait la
chasse ; aussi est-ce la race d'ours la plus féroce.
GIRAFE. – Ce mammifère ruminant est l'animal
le plus haut qui existe, sa taille dépasse sept mètres. La girafe
habite les déserts de l'Afrique. C'est un animal inoffensif, qui se
nourrit de bourgeons et de feuilles d'arbre. Il court avec la plus grande
rapidité.
Sur ce propos
on quitta la fosse aux ours. On alla admirer la belle taille et la mine
intelligente de l'éléphant, qui, enfermé dans une sorte de
rotonde, attrapait avec sa trompe les bouchées de pain qu'on lui donnait,
et les introduisait ensuite dans sa bouche. Comme on lui présentait en ce
moment un gros morceau de pain qu'il ne pouvait saisir avec sa trompe à
travers les barreaux, il fit comprendre d'un geste qu'il ne pouvait le prendre
ainsi, et, relevant la tête, il ouvrit une gueule énorme où
eussent pu entrer à la fois une vingtaine de pains de même
grosseur. On lança par-dessus la grille le morceau dans sa gueule, qu'il
referma aussitôt avec satisfaction.
– C'est un bien intelligent animal, dit l'oncle
Frantz ; il est, dit-on, plus intelligent encore que le cheval, dont il
tient lieu dans les pays chauds.
A côté de l'éléphant il y avait
l'énorme hippopotame, qui vit dans les rivières de l'Afrique, le
rhinocéros avec sa corne plantée au bout du museau et sa peau
épaisse comme une cuirasse, sur laquelle les balles glissent sans pouvoir
l'entamer. Nos trois visiteurs virent encore la girafe aux longues jambes, si
longues qu'elle est forcée de s'agenouiller pour boire, moment dont le
lion profite souvent pour bondir sur elle et la déchirer. Ils virent
l'autruche, cet énorme oiseau qui galope plus vite qu'un cheval et
franchit de grandes distances dans le désert : en certains pays les
hommes l'ont apprivoisée et montent sur son dos comme sur celui d'un
cheval. Ils virent encore bien d'autres animaux, une vaste volière
contenant des oiseaux de toute sorte dont le charmant plumage miroitait au
soleil, et ailleurs, dans des cages spéciales, des vautours, des
aigles ; puis, par tout le jardin, dans de petites cabanes,
c'étaient des moutons de toute sorte, des chèvres, des
espèces étrangères de biches et de boeufs, des loups, des
renards, des animaux sauvages.
L'AUTRUCHE est un oiseau de l'ordre des
échassiers,
dont la taille, gigantesque pour un oiseau, dépasse deux mètres.
Ses ailes sont impropres au vol mais elle les étend comme des bras quand
elle court. Elle vit en Afrique et en Asie. Elle est si vorace qu'elle avale
sans danger tout ce qui se présente, bois, pierres, aiguilles, clous. Ses
oeufs pèsent plus d'un kilogramme. Pour les faire éclore, elle les
cache dans le sable que le soleil d'Afrique chauffe toute la journée. On
se sert dans certaines contrées de l'autruche comme monture ; elle
court plus vite que les meilleurs chevaux.
Ils passèrent enfin devant les vastes serres qui
étaient à demi entr'ouvertes, car le temps était beau et le
soleil donnait en plein. Là s'étalaient les plantes des pays
chauds avec leurs feuilles et leurs fleurs étranges.
LE VAUTOUR est un grand oiseau de proie,
caractérisé par une petite tête, un bec long et
recourbé, un cou dénudé. Il a un vol lourd, mais soutenu,
et atteint de prodigieuses hauteurs. Il répand une odeur infecte, car il
se nourrit habituellement de charognes et d'immondices. Les vautours suivent en
grand nombre les armées, les caravanes et les troupeaux, pour
dévorer ceux qui tombent.
– Mon
oncle, dit Julien, savez-vous à quoi servent toutes ces serres pleines de
plantes et tous ces arbres étrangers.
– Mais, Julien, elles servent à nous faire
connaître et étudier la végétation des autres
pays ; il y a toute une grande science qui s'appelle l'histoire naturelle
et qui étudie les plantes et les animaux de la nature ; eh bien,
c'est ici, dans ce vaste jardin, que cette science trouve à sa
portée les principaux êtres qu'elle étudie. On fait au
Jardin des Plantes des cours sur la taille des arbres, sur les semis, sur les
plantations. Tiens, Julien, ajouta l'oncle, vois-tu là-bas ce grand arbre
dont les branches s'étendent en parasol ? C'est le cèdre que
Jussieu a rapporté et planté pour la première fois en
France.
– Je le reconnais, dit Julien, j'en ai vu l'image dans
mon livre : oh ! comme il est grand !
ARBRES DE SERRE. – Les principaux sont les
palmiers, qui ne
peuvent guère croître en France à l'air libre que dans le
comté de Nice et à Toulon, les
bambous, sorte de grands roseaux dont
on trouve des plantations aux environs de Nîmes, les
bananiers
les
aloès,
les
cactus aux feuilles
piquantes.
– Eh bien, dit l'oncle, il y a eu bien d'autres
plantes qui ont été introduits en France par le Jardin des
Plantes : les acacias, qu'on trouve partout aujourd'hui, n'existaient pas
en France jadis et ont été plantés ici pour la
première fois. Les dahlias, les reines-marguerites, qui ornent maintenant
tous nos parterres, viennent également de ce jardin. On s'efforce ainsi
de transporter et de faire vivre chez nous les plantes et les animaux utiles ou
agréables. Nous empruntons aux pays étrangers leurs richesses pour
en embellir la patrie.