CXIV. – Une visite au Jardin des Plantes.
– Les grands carnassiers. – Les singes.
Visiter un jardin d'histoire naturelle, c'est comme si on
faisait un voyage à travers toutes les parties du monde et tous les
règnes de la nature.
Les trois visiteurs montèrent
sur le haut d'un omnibus, et la lourde voiture partit au trot, les emportant
tout le long des quais animés qui bordent la Seine. Julien et
André ouvraient leurs yeux tout grands pour tout voir.
Après une demi-heure, l'omnibus s'arrêta devant
la grille d'un vaste parc, et nos trois amis entrèrent sous les arbres
qui entre-croisent leurs branches au-dessus des allées.
Là, bien des gens allaient et venaient, mais
c'était surtout vers la droite qu'on voyait une grande foule et ce fut
par là que l'oncle Frantz mena Julien.
LES LOGES DES BÊTES FÉROCES AU JARDIN DES
PLANTES DE PARIS. – Les bêtes féroces réunies dans la
ménagerie du Jardin des Plantes appartiennent à l'ordre des
carnivores,
animaux dont les dents sont propres à broyer la chair. Les principales
familles de l'ordre des carnivores ou carnassiers sont la famille des
ours, des
chats (depuis le chat domestique
jusqu'au tigre et au lion), des
chiens
(depuis le chien domestique jusqu'au loup et au renard) et les
hyènes.
Ils arrivèrent devant des espèces de grandes
cages grillées, derrière lesquelles on voyait s'agiter des
bêtes féroces. Dans la plus grande, c'était un lion
d'Afrique à la crinière brune qui tournait avec impatience autour
de sa cage et baillait en face de la foule. A côté de lui, dans
d'autres cages, d'autres lions, les uns dormant, les autres couchés sur
le dos : l'un d'eux, le plus jeune, était en train de s'amuser avec
une grosse boule de bois qu'on laisse toujours dans la cage des lions ; il
la roulait comme un jeune chat fait d'une pelote de fil ; il la
lançait, puis bondissait après et la rattrapait. Et tout le monde
de rire, y compris Julien.
JAGUAR. – C'est après le tigre et le lion, le
plus grand des carnassiers du genre chat. Il vit en Amérique, surtout au
Mexique et dans la Plata. Il se plaît dans les grandes forêts,
près des fleuves, grimpe aux arbres comme un chat et y poursuit les
singes. Il s'attaque même à l'homme.
– Si on
ne dirait pas un gros chat ! s'écria-il.
– C'est que les lions sont en effet des carnassiers de
la race des chats, dit l'oncle Frantz. Mais ce sont des chats avec lesquels il
ne ferait pas bon jouer ; même sans vouloir vous faire du mal, il
suffirait d'un coup de la queue de ce lion pour vous terrasser, et du petit bout
de sa griffe pour vous enlever un morceau de chair.
– Mais, dit Julien, ils doivent bien s'ennuyer
d'être toute la journée enfermés dans ces cages. Il faut que
les barreaux soient bien solides pour qu'ils ne puissent les briser
– Ne t'inquiète pas, Julien, dit l'oncle en
souriant, ce sont de bons barreaux de fer sur lesquels ni leurs dents ni leurs
ongles ne peuvent rien.
LE PALAIS DES SINGES AU JARDIN DES PLANTES DE PARIS.
– Les singes appartiennent à l'ordre des quadrumanes,
c'est-à-dire animaux à quatre mains. Ce sont les plus intelligents
des animaux et ceux qui, par leur conformation, ressemblent le plus à
l'homme. Il y en a de toute race et de toute taille, depuis la grosseur d'un
écureuil jusqu'à celle de l'homme le plus grand. Ils se
nourrissent de fruits, quelquefois d'insectes, et vivent dans les arbres,
où ils sautent de branche en branche avec agilité.
Et on continua
la promenade. A côté, c'était le tigre royal qui est presque
aussi grand que le lion, mais bien plus féroce. Il tournait avec une
inquiétude fiévreuse tout autour des barreaux, en regardant les
yeux à demi ouverts, d'un air hypocrite.
Plus loin, c'étaient les panthères et le
jaguar accroupi comme pour faire un bond. A quelque distance on entendait des
rires, et la foule se pressait devant une grande et haute cage en forme de
rotonde.
– Oh ! dit Julien, qu'est-ce qu'il y a
là ?
C'étaient les singes. Il y en avait une grande
quantité réunis, et tout cela courait, gesticulait, criait en se
disputant. A l'intérieur se trouvaient des barreaux et une sorte
d'arbre : le long des branches les singes montaient et descendaient, se
lançant en l'air et s'accrochant aux branches tantôt avec leurs
mains, tantôt avec leur queue. L'un d'eux, s'attachant ainsi à
l'arbre avec sa queue comme avec une corde, se balançait au bout.
D'autres singes venaient près du grillage pour recevoir des mains des
spectateurs les friandises qu'on voulait bien leur donner.
– Quel malheur que je n'aie rien sur moi ! dit
Julien en se retournant ses poches.
André chercha dans les siennes et y trouva un morceau
de pain qu'il s'empressa d'offrir à un jeune singe. Mais celui-ci,
après l'avoir pris, fit la grimace et le laissa tomber.
– Voyez-vous ! dit l'oncle Frantz ; c'est
qu'ils sont habitués à recevoir des morceaux de sucre, et d'autres
choses meilleures que du pain sec. Et puis ils n'ont pas grand appétit,
sans cela ils trouveraient bien le pain bon.