CXIII. – Paris autrefois et aujourd'hui. –
Les grandes écoles et les bibliothèques.
Paris est l'image en raccourci de la France, et son
histoire se confond avec celle de notre pays.
– On quitta les Halles et on se
dirigea vers la Cité, qui est une île formée par la Seine au
milieu de Paris. Pour s'y rendre, on traversa la Seine sur l'un des trente ponts
que Paris possède. Au milieu, Frantz fit arrêter les enfants.
– Regardez, leur dit-il, voilà la Cité,
le berceau de Paris. C'est là qu'il y deux mille ans s'élevait une
petite bourgade appelée Lutèce : on ne voyait alors en ce
lieu qu'une centaine de pêcheurs, s'abritant à l'ombre des grands
arbres et de la verdure que fertilisait le limon du fleuve. La Seine leur
servait de défense et de rempart, et deux ponts placés de chaque
côté du fleuve permettaient de le traverser.
Peu à peu Paris s'est agrandi. Son histoire a
été celle de la France. A mesure que la France sortait de la
barbarie, Paris, séjour du gouvernement, s'élevait et prenait une
importance rapide. Nul évènement heureux ou malheureux pour la
patrie, dont Paris et ses habitants n'aient subi le contre-coup. Et tout
dernièrement encore, enfants, rappellez-vous que Paris, mal
approvisionné, souffrant de la faim et du froid, a résisté
plus de quatre mois aux Allemands quand on ne le croyait pas capable de tenir
plus de quinze jours. Séparé de tout le pays par le cercle de fer
des ennemis, il n'avait point d'autres nouvelles de la patrie que celles qui lui
arrivaient sur l'aile des pigeons échappés aux balles
allemandes.
LUTECE OU LE PARIS D'AUTREFOIS. – Lutèce
était dans une île de la Seine qui est la
Cité
d'aujourd'hui. Elle était habitée par une peuplade gauloise
appelée les
Parisii, d'où
est venu le nom de Paris.
– Oh ! j'aime Paris, dit Julien, et je suis bien
content de le connaître... Mon oncle, ajouta-t-il ingénument, quand
nous serons aux champs, nous ferons pousser du blé, nous aussi, pour
nourrir la France et le grand Paris.
Tout en causant, on traversa les ponts, on suivit les quais
et on arriva dans le quartier des écoles. On vit en passant une foule de
jeunes gens qui allaient aux cours de la Sorbonne, du Collège de France,
de l'Ecole de médecine, de l'Ecole de Droit. Julien s'émerveillait
aussi de voir tant de boutiques de livres, avec de belles cartes aux
devantures.
André s'arrêta longtemps devant un magasin
où l'on fabriquait des instruments de précision : cet art qui
lui rappelait son métier l'intéressait. Derrière la
vitrine, on apercevait les ouvriers au travail, polissant l'acier, limant,
ajustant avec une adresse merveilleuse les appareils les plus
compliqués.
– Oh ! s'écriait André, comme on
travaille bien à Paris !
L'INSTITUT DE FRANCE. – C'est dans ce palais que
siègent les cinq grandes Académies dont l'ensemble forme
l'
Institut de
France. On appelle
académie une réunion
d'hommes illustres dans les lettres, dans les sciences ou dans les arts. Tout le
monde connaît l'Académie française qui compta parmi ses
membres Bossuet, Racine, Corneille, Boileau et tant d'autres ;
l'Académie des sciences compta parmi les siens Buffon, Monge, Lavoisier,
Laplace, Fresnel, Arago, etc.
Plus loin on admira des instruments d'optique, longues-vues
marines, microscopes pour observer les plantes et les animaux invisibles,
thermomètres marquant le chaud et le froid, baromètres
annonçant le beau temps ou la tempête.
– Mon oncle, disait Julien, c'est donc à Paris
qu'on fait tous ces instruments qui servent à la science ?
– Oui certes, Julien, et nous voici en ce moment dans
le quartier savant de Paris. Là est l'Institut de France, où se
réunissent les cinq Académies composées des hommes les plus
illustres ; là sont les écoles de premier ordre que la France
ouvre à ses enfants : l'Ecole normale supérieure, d'où
sortent les professeurs qui enseigneront dans les lycées de l'Etat ;
l'Ecole polytechnique, où s'instruisent les officiers qui commanderont
les régiments français et les futurs ingénieurs qui feront
pour la France des travaux difficiles, ponts, aqueducs, canaux, ports, machines
à vapeur. C'est encore dans ce quartier que se trouve l'Ecole de
médecine, où se préparent un grand nombre de nos
médecins, et l'Ecole de droit, d'où sortent beaucoup de nos
avocats.
UN COURS A L'ECOLE DE MÉDECINE. – Les
médecins doivent connaître le corps humain avec tous ses organes,
qu'ils auront plus tard à soigner. Les professeurs montrent aux
élèves sur les squelettes tous les os qui composent la charpente
de notre corps. Dans la salle de dissection ils leur montrent les muscles et les
nerfs. La science des diverses parties du corps s'appelle
anatomie.
– Oh ! dit Julien, que de mouvement on se donne
à Paris, que de peines on prend pour s'instruire ! Je me rappelle que le
petit Dupuytren avait étudié la médecine à Paris, et
que Monge a professé à l'Ecole polytechnique.
– Paris a aussi d'admirables bibliothèques, dit
l'oncle Frantz, comme la Bibliothèque nationale qui contient environ
trois millions de volumes. Là sont rassemblés les livres les plus
savants ; professeurs ou élèves les consultent chaque
jour ; de tout ce travail, de tous ces efforts sont sortis et sortiront
encore la gloire, la richesse et l'honneur de la patrie.
UNE SALLE D'ÉTUDE A LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE
PARIS. – C'est le roi Charles V, dit le
Sage,
qui fonda cette bibliothèque devenue si célèbre. Il avait
rassemblé dans une tour, dite
tour de
la librairie, 600 volumes manuscrits, car l'imprimerie n'était pas
inventée. Sous Colbert, la Bibliothèque nationale prit des
développements immenses. C'est maintenant la plus grande qui existe et
qui ait existé : elle possède trois millions de livres
imprimés et deux cent mille manuscrits. Chaque jour, par centaines, des
hommes, des jeunes gens laborieux, des femmes viennent consulter, dans l'une des
vastes salles de ce palais, les ouvrages dont ils ont besoin.
En causant ainsi on marchait toujours et on
commençait à être bien las ; on songea à se
reposer un peu et à réparer ses forces : le morceau de pain
et de fromage du matin était déjà loin.
L'oncle Frantz entra avec ses neveux dans un petit
restaurant, et pour une modique somme on fit un bon repas, car nos amis
n'étaient pas difficiles, et en marchant depuis le matin ils avaient
gagné un robuste appétit.
– Maintenant, dit Frantz, nous allons monter en
omnibus et nous rendre au Jardin des Plantes, où se trouvent
réunis les plantes et les animaux curieux du monde entier.
– Oh ! dit Julien, quel bonheur ! Aller en
voiture et voir des bêtes, que me voilà content !