CV. – Un grand homme auquel le Nord doit une
partie de sa prospérité : Philippe de Girard. – La
machine à filer le lin.
Un seul homme, par son génie et sa
persévérance, peut faire change de face toute une
contrée.
En l'année 1774, un petit
enfant nommé PHILIPPE DE GIRARD venait au monde dans un village du
département de Vaucluse.
Le département de Vaucluse, se dit Julien, chef-lieu
Avignon ; j'ai passé par là en allant à Marseille, je
me le rappelle très bien.
Dès que le petit Philippe sut lire, il employa
toutes ses journées à étudier, à feuilleter des
livres savants.
A l'heure des récréations, Philippe allait
jouer dans le jardin paternel, mais ses jeux étaient de nouveaux travaux.
Il construisait de petits moulins que faisait tourner le ruisseau du
jardin : il fabriquait de toutes pièces ou dessinait sur le papier
des machines de diverses sortes.
A l'âge de quatorze ans, Philippe de Girard avait
déjà inventé une machine pour utiliser la grande force des
vagues de la mer.
Il n'avait pas seize ans
lorsqu'un malheur frappa sa famille : son père et sa mère
furent forcés de quitter la France pendant la Révolution, et ils
perdirent tout ce qu'ils possédaient.
Errants dans les pays étrangers, réduits
à la pauvreté la plus grande, les parents de Philippe de Girard
seraient peut-être morts de misère sans le courage de leur jeune
fils.
Philippe met tout son génie au service de l'amour
filial ; c'est lui qui gagne le pain de son père et de sa
mère ; il est leur secours, leur consolation, leur honneur. Il
travaille sans repos c'est pour eux qu'il travaille.
PHILIPPE DE GIRARD, né en 1775 dans un village du
département de Vaucluse, mourut en 1845.
En 1810, Philippe et sa famille
étaient réunis à table pour déjeuner. En ce moment,
un journal arriva. Son père l'ouvrit, y jeta les yeux, puis le passant
à son fils : « Tiens, Philippe, voilà qui te
regarde. »
Et le jeune homme lut dans le journal ce décret
de Napoléon Ier :
« Il sera accordé un prix d'un million
de francs à l'inventeur (de quelque nation qu'il puisse être) de la
meilleure machine à filer le lin. »
– Un million ! s'écria Philippe.
Oh ! si je pouvais le gagner et vous rendre votre fortune
d'autrefois !...
Après le dîner, Philippe va se promener
dans le jardin sous les grands arbres, réfléchissant, cherchant
comment faire. Il se procure du lin, du fil, une loupe ( une loupe est une sorte
de verre qui grossit les objets pour les yeux) ; puis il s'enferme dans sa
chambre, et, tenant d'une main le lin, de l'autre le fil, il se dit :
« Avec ceci, il faut que je fasse cela. »
Il passa la journée et la nuit à
réfléchir, imaginant et construisant dans sa tête des
machines de toute sorte.
Le lendemain, quand il revint à la même
heure pour le déjeuner en famille, il dit à son
père :
– Le million est à nous, la machine est
trouvée !
L'idée principale de la machine était
trouvée en effet, mais, pour l'exécuter, Philippe de Girard
rencontra les plus grandes difficultés. Il dépensa le peu d'argent
qu'il avait ; enfin, après plusieurs années, au moment
où la machine était enfin parfait et où Philippe allait
recevoir son prix, Napoléon tomba. Le gouvernement qui lui succéda
refusa de payer le million promis.
Alors Philippe ruiné s'exila. Il alla fonder en
Pologne une manufacture de lin qui prit une grande importance et fut même
le centre d'une nouvelle ville. Cette ville porte le nom de Girard et elle est
désignée sur les cartes actuelles par le nom de Girardoff.
Ainsi, grâce à un travail assidu, Girard
finit par obtenir et par donner aux siens la richesse qu'il avait failli
déjà trouver. Néanmoins, jusqu'à la fin de sa vie il
ne cessa de travailler et d'inventer sans relâche ; c'est par
vingtaines que se comptent les machines que l'industrie lui doit.
Mais sa plus belle oeuvre, ce fut cette machine à
filer le lin qui devait être une des richesses de sa patrie. Elle se
répandit partout rapidement, surtout dans le Nord. C'est une simple
machine qui a fait la fortune et la grandeur de plusieurs villes du Nord,
principalement de Lille, centre de l'industrie du lin. Aussi la ville de Lille
s'est-elle toujours montrée reconnaissante envers Philippe de
Girard.
L'Etat a fait une pension à sa nièce et
à sa petite-nièce.