XXXIV. — Le cheval. — Qualités d'un
bon cheval. — Soins à donner aux chevaux.
Un bon animal ne coûte
pas plus à nourrir qu'un mauvais et rapporte beaucoup plus.
Le
lendemain de bon matin, M. Gertal (c'était le nom du Jurassien)
éveilla les deux enfants. André mit ses habits de travail. —
Venez avec moi, dit M. Gertal, je vais vous montrer à soigner mon cheval
Pierrot ; je tiens à ce qu'il soit bien soigné, car il me
coûte cher et me rend de grands services, et puis c'est pour moi un
compagnon fidèle.
André descendit à
l'écurie avec son nouveau patron, et Julien, qui aimait les animaux, ne
manqua pas de le suivre.
Pierrot était un bel et
bon animal ; sa robe bai brun, signe de vivacité et de courage, son
oeil grand, sa tête assez petite avec ses reins solides indiquaient que M.
Gertal l'avait choisi en connaisseur. Pierrot n'avait jamais été
maltraité ; aussi était-il doux et Julien lui-même
pouvait en approcher sans danger.
Le cheval fut
étrillé et brossé avec soin.
— Voyez-vous, mes enfants,
disait M. Gertal, la propreté est pour les animaux ce qu'elle est pour
l'homme, le meilleur moyen d'entretenir la santé. — Tout en parlant
ainsi, M. Gertal dirigeait l'étrille et la brosse avec courage, et
on voyait à chaque coup de l'étrille la poussière tomber
abondante par terre, tandis que le poil devenait plus luisant.
LE CHEVAL DE TRAIT. — La
France est le pays qui possède les races de chevaux les plus belles et
les plus variées. La meilleure race pour traîner les lourds
chariots est la race
boulonnaise ;
la meilleure pour traîner plus rapidement des fardeaux moins lourds est la
race
percheronne ; mais la plus
élégante et la plus rapide à la course est la race
normande (Calvados).
— Vraiment, dit le petit
Julien, Pierrot comprend sans doute que c'est pour son bien, car il a l'air
content.
— Oui, certes, cela le
soulage, et il le sent bien. Vois-tu, Julien, la peau des animaux, comme celle
de l'homme, est percée d'une multitude de petits trous appelés
pores, par lesquels s'échappe la sueur, et la sueur sert à
purifier le sang. Quand la poussière et la malpropreté bouchent
ces milliers de petits trous, le sang se vicie et la santé
s'altère chez les animaux comme chez l'homme. Il y a un vieux proverbe
qui dit : "Le jeu de l'étrille équivaut à un picotin
d'avoine ; la main engraisse autant que la nourriture".
La toilette de Pierrot finie, on
le conduisit à l'abreuvoir.
— André, dit
M. Gertal, tu le ramèneras au pas et non en le faisant trotter,
comme font tant de garçons étourdis. Un cheval qui revient de
l'abreuvoir doit toujours être ramené tranquillement, pour bien
digérer l'eau qu'il a bue.
Lorsque Pierrot revint de
l'abreuvoir, on lui donna sa ration d'avoine.
— Tien ! dit Julien,
on a fait boire Pierrot avant de lui donner à manger.
— Certainement, on doit
faire boire le cheval avant de lui donner l'avoine ; retiens cela, petit,
car c'est une chose importante que bien des gens ignorent. Si au contraire le
cheval boit après avoir mangé l'avoine, l'eau entraîne les
grains hors de l'estomac avant qu'ils soient digérés
complètement, et l'animal est mal nourri. Remarque-le aussi, je ne vais
atteler Pierrot qu'une heure après son dîner, parce que je le ferai
trotter et qu'on ne doit pas faire trotter un cheval qui vient de manger, si on
veut qu'il digère bien sa nourriture.
— Est-ce que tout le monde
prend ces précautions, monsieur Gertal ?
— Non, et il en a bien
d'autres encore que l'on néglige. Les uns remettent sur le cheval le
harnais mouillé, qui le refroidit ; d'autres négligent de
jeter sur son dos une couverture de laine quand il sont forcés de le
faire arrêter et qu'il est en sueur ; d'autres le mènent boire
quand il est en transpiration, ou lui donnent de l'eau trop fraîche. Tous
ceux qui font ainsi agissent contre leur intérêts. Un cheval mal
soigné ne tarde pas à perdre sa vigueur et à tomber
malade : c'est une grosse perte, surtout pour les petits marchands comme
moi. En toutes choses, le chemin de la ruine, mes enfants, c'est la
négligence.