Titre Précedent Suivant Sommaire Index | XXIV. — La foire d'Épinal. — Les produits de la Lorraine. — Verres, cristaux et glaces. — Les images et les papiers peints. — Les instruments de musique. |
XXIV. — La foire d'Épinal. — Les
produits de la Lorraine. — Verres, cristaux et glaces. — Les images
et les papiers peints. — Les instruments de musique.
On regarde une chose avec
plus d'intérêt quand on sait d'où elle vient et qui l'a
faite.
—
Julien, dit un jour la mère Gertrude, c'est aujourd'hui la foire
d'Épinal. Il fait beau temps, et vous n'avez pas de classe : venez
avec moi. Nous irons acheter ma provision d'oignons et de châtaignes pour
l'année, et nous la rapporterons tous les deux.
Julien, bien content, prit deux
sacs sous son bras,
Mme Gertrude un
panier, et l'on partit pour la foire, en ayant bien soin de se ranger sur les
trottoirs, car il passait sans cesse des bestiaux, des voitures et une grande
foule de gens.
Les magasins avaient leurs plus
beaux étalages : Julien et la mère Gertrude
s'arrêtaient de temps en temps pour les regarder. On parcourut ensuite le
marché pour se mettre au courant des prix, et, après les
débats nécessaires, on fit les achats : on emplit un sac
d'oignons, l'autre de châtaignes, et le panier de pommes.
Mais tout cela était
lourd à porter. L'enfant et la bonne vieille avisèrent un banc
à l'écart sur une place, et l'on s'assit pour se reposer en
mangeant une belle pomme que la marchande avait offerte à Julien.
— Que de choses il y a
à la foire, dit Julien, qui était enchanté de sa promenade.
Je trouve cela bien amusant de voir tant de monde et tant d'étalages de
toute sorte.
— Moi aussi, dit
gaîment la mère Gertrude, j'aime à voir la foire bien
approvisionnée ; cela prouve combien tout le monde travaille dans
notre pays de Lorraine, et combien la vieille terre des Vosges est
fertile.
— Tiens, dit Julien, je
n'avais pas songé à cela !
— Eh bien, il faut y
songer, Julien. Voyons dites-moi ce que vous avez remarqué de beau
à la foire, et vous allez voir qu'il y a en ce moment à
Épinal comme un échantillon des travaux de toute la
Lorraine.
— D'abord, dit Julien, je
me suis beaucoup amusé à regarder le grand magasin de
verrerie ; au soleil, cela brillait comme des étoiles. Et puis, la
marchande, d'une chiquenaude, faisait sonner si joliment ses verres ! "Quel
fin cristal ! disait-elle, écoutez." Et en effet, madame Gertrude,
c'était une vraie musique.
CRISTAUX ET GLACES. — Le
cristal est une sorte de verre très transparent, dur et résonnant
sous le doigt, fabriqué avec du sable blanc, de la potasse et du plomb.
La première fabrique de cristaux de France se trouve à Baccarat,
en Lorraine. — Nous avons aussi en France, à Saint-Gobain (Aisne),
la manufacture de glaces la plus célèbre d'Europe : on y
coule des glaces de plus de 3 mètres de haut. A cette manufacture se
rattache celle de Cirey, dans la Meurthe. Citons encore les grandes glaceries de
Jeumont et d'Aniche (Nord).
—
Savez-vous d'où venaient toutes ces verreries, Julien ? Savez-vous
où l'on a fabriqué les belles glaces d'un seul morceau où
tout à l'heure, devant le magasin, nous nous regardions tous les deux,
vous, frais et rose comme la jeunesse qui arrive, moi, ridée et tout en
double, comme une vieille qui s'en va ?
Julien réfléchit.
— Oh ! dit-il, je sais cela, car c'est dans la Meurthe, où je
suis né, que ces belles choses se font. je sais qu'il y a une grande
cristallerie à Baccarat.
—
Vous voyez qu'on sait travailler en Lorraine ; savez-vous pourquoi on fait
tant de verreries chez nous ?
— Oh ! pour cela,
non, madame Gertrude.
— C'est que nous avons
beaucoup de forêts ; eh bien, c'est dans les cendres du bois qu'on
trouve la potasse qui, fondue avec du sable, sert à faire les verres fins
et les glaces.
— Je ne me doutais pas,
s'écria Julien, que le bois de nos forêts servît à
faire le verre. Mais dites-moi, madame Gertrude, d'où viennent donc
toutes ces images grandes et petites qu'un marchant avait étalées
à la foire, le long d'un mur, et que vous m'avez laissé regarder
tout à mon aise ? Je n'en avais jamais vu autant. Toute l'histoire
du petit Poucet était là en images, et la Belle et la Bête,
et l'Oiseau bleu ! Il y avait aussi de ces soldats qu'on découpe et
qu'on colle sur des cartons pour les ranger en bataille sur la table. Il y avait
des portraits de grands hommes. C'était bien amusant.
PAPIERS PEINTS. Pour recouvrir de fleurs et autres dessins
coloriés les rouleaux de papier ou de toile, l’ouvrier trempe dans
la peinture une planche sur laquelle ces dessins sont gravés en
relief ; puis, de la min droite, il appuie cette planche sur le papier ou
la toile. Alors les dessins s’impriment comme les lettres d’un sceau
sur le papier.
—
Mon enfant, tout cela se fabrique ici même, à Épinal. Le
papier qu'André a vu faire sera peut-être recouvert de ces dessins
coloriés, qui s'en iront ensuite par toute la France pour amuser les
enfants. Nos papeteries, nos imageries, nos fabriques de papiers peints pour
tapisseries sont connues partout. Nous avons aussi dans notre département
la petite ville de Mirecourt, où se fabrique une très grande
quantité d'instruments de musique, des violons, des flûtes, des
clarinettes, des orgues de Barbarie comme celui qui joue là-bas sur un
coin de la place.
— Madame Gertrude, je
connais tous ces instruments de musique, car il y a eu à Phalsbourg un
concours d'orphéons et de fanfares, et je suis allé entendre les
musiciens. C'était très beau, je vous assure. Quand nous serons
plus grands, André et moi, nous ferons partie d'un orphéon.
LES
PRINCIPAUX INSTRUMENTS DE MUSIQUE Piano. Violon. Basson. Trombone. Cor. Cornet
à piston. Clarinette. Flûte. Harpe
—
Vous auriez raison, mes enfants ; la musique est une distraction
intelligente : elle élève nos coeurs en exprimant nos plus
grands sentiments : l'amour de la famille, de la patrie ; toutes nos
joies ou nos tristesses. Il est à désirer qu'elle se
répande de plus en plus dans notre pays.
XXV.
— Le travail des femmes lorraines. — Les broderies. — Les
fleurs artificielles des Nancy.
Que chaque habitant et chaque
province de la France travaillent, selon leurs forces, à la
prospérité de la patrie.
—
Julien, continua
M
me Gertrude, les
hommes ne sont pas seuls à bien travailler en Lorraine.
— Oui, dit Julien, les
femmes lorraines savent faire de jolies broderies, et j'en ai vu à bien
des étalages aujourd'hui ; mais je n'entends rien à cela,
moi.
— D'autres que vous s'y
entendent, Julien ; les broderies de Nancy, d'Épinal et de toute la
Lorraine se vendent dans le monde entier. Les navires en emportent des
cargaisons jusque dans les Indes ; c'est le travail de nos paysannes, de
nos filles du peuple qu'on se dispute ainsi. Nous avons 35 000 brodeuses en
Lorraine. Mais, si vous ne regardez pas volontiers les broderies et les
dentelles, je vous ai vu pourtant vous arrêter fort en admiration devant
une vitrine de fleurs artificielles.
— Oh ! c'est vrai,
dit Julien, il y a un rosier dans un pot qui ressemble si bien à un
rosier pour de bon, que je n'aurais jamais voulu croire qu'il fût en
papier, si ce n'était vous, madame Gertrude, qui me l'avez
assuré.
— D'où viennent ces
fleurs, Julien ?
— Je n'en sais rien du
tout, mais elles sont bien jolies.
FEMME DE LA LORRAINE BRODANT. — On appelle broderie
un dessin tracé en relief sur un tissu avec du fil de soie, de coton, de
laine, d'or ou d'argent. — Le métier de brodeuse est très
fatigant pour la vue ; l'immobilité qu'il exige et la position
assise sont également fâcheuses pour la santé. Il serait bon
que les brodeuses eussent toutes un second état qui leur permît de
temps à autre de se délasser du premier.
—
Elles viennent de l'ancienne capitale de la Lorraine, de Nancy, une grande et
belle ville de 102600 âmes. Nancy est la seule ville de France qui
rivalise avec Paris pour les fleurs artificielles. Vous le voyez, Julien, les
femmes de Lorraine sont laborieuses, et leur bon goût est renommé.
Du reste, elles sont instruites : presque toutes savent lire et
écrire. Les trois départements de la Lorraine sont parmi les plus
instruits et les plus industrieux de la France.
— Mais, dit le petit
garçon, on fait bien d'autres choses en Lorraine que des glaces, des
fleurs et des broderies.
— Oh ! certainement,
Julien ; mais je n'ai voulu vous parler que des industries où nous
tenons le premier rang en France et en Europe. Travailler est déjà
bien, mon enfant ; mais travailler avec tant d'art et de conscience que
notre patrie puisse tenir le premier rang au milieu des autres nations, c'est un
honneur dont on peut être fier, n'est-ce pas, Julien ?
— Oh ! oui, dit
l'enfant, et je suis content de savoir qu'il en est ainsi de notre
Lorraine.