XLIV. — Mâcon. André et Julien
paient l'entrée de leurs marchandises. Les octrois. — Les
conseils municipaux.
Les routes, les fontaines,
l'éclairage sont des choses dont chacun profite : il est donc juste
que chacun les paie pour sa part.
Quand on arriva aux abords de la
ville de Mâcon, le patron dit à André : — Vois-tu
l'octroi et la bascule où une charrette est arrêtée pour se
faire peser ? Va toi-même payer à l'employé les droits
d'entrée pour vos poulardes.
OCTROI ET BASCULE. — Aux
portes de toutes les villes sont des
bureaux d'octroi
où l'on doit payer les droits d'entrée sur les marchandises.
— Pour peser les voitures et fixer le poids des marchandises qu'elles
portent, on les fait passer sur la plate-forme d'une
bascule. Cette plate-forme, à
l'aide d'un levier, soulève le
fléau d'une balance qui se
trouve à l'intérieur du bureau d'octroi, et l'employé lit,
sur le
bras de fer, le nombre de
kilogrammes.
André prit le peu
d'argent qui lui restait et paya ce qu'il fallait. Le patron, de son
côté, solda ce qu'il devait pour ses propres marchandises, et on se
mit en route.
Julien avait vu bien des fois le
patron payer ainsi à l'entrée de villes ; mais il n'y avait
pas fait grande attention. Cette fois, comme c'était avec leurs petites
économies à eux qu'il avait fallu payer, cela fit
réfléchir le jeune garçon :
— Tiens, dit-il, pourquoi
donc fait-on donner comme cela tant d'argent aux pauvres marchands qui ont
déjà bien de la peine à gagner leur vie ? Je trouve
cela bien ennuyeux, moi.
— Mais, Julien, dit
M. Gertal, à quoi penses-tu donc ? Que deviendraient les
pauvres marchands dont tu parles, si l'on manquait en France de ce bonnes routes
bien entretenues où Pierrot traîne si lestement sa charge de mille
kilogrammes ? Et si ces routes n'étaient pas bien gardées, si
des malfaiteurs détroussaient les marchands et nous avaient
attaqués à travers les montagnes, que dirais-tu ? Tu ouvres
de grands yeux, mon garçon ; c'est pourtant bien simple. Pour payer
les gendarmes, le cantonnier, le gaz qui nous éclaire, pour bâtir
les écoles où s'instruisent les enfants, ne faut-il pas de
l'argent ? Les octrois y pourvoient, les autres impôts aussi ;
moi, je trouve cela parfaitement sage.
— Tiens, dit l'enfant, je
n'avais pas encore songé à ces choses-là. Mais comment
sait-on que l'argent qu'on donne est employé à faire ce que vous
dites, monsieur Gertal ?
— Voyons, Julien, n'as-tu
jamais entendu parler du conseil municipal ?
— Mais si, monsieur
Gertal ; seulement je ne sais pas du tout ce que c'est.
— Eh bien, écoute,
je vais te le dire. Dans chaque ville ou village, tous les habitants choisissent
entre eux les hommes les plus capables de l'occuper des intérêts de
leur commune, et ils les chargent de faire les affaires de la commune à
leur place pendant quatre ans. Ce sont ces hommes, appelés conseillers
municipaux, qui décident des embellissements utiles à faire dans
les villes : par exemple les fontaines, les lavoirs, le gaz. Ils
surveillent toutes les dépenses et toutes les recettes de la ville, et
ainsi il ne peut y avoir d'argent employé autrement que par leurs avis.
M'as-tu écouté, Julien, et te rappelleras-tu ce que je t'ai
dit ?
— Oh ! oui, monsieur
Gertal, et même je suis tout à fait content d'avoir appris
cela ; maintenant je ne regrette plus l'argent que nous avons donné
à l'octroi. Je vois qu'il sera employé pour l'avantage de tout le
monde, et il faut bien payer sa petite part des avantages dont on profite.
LE TONNELIER. — Pour
rendre plus flexibles les douves qu'il veut recourber et assembler, le tonnelier
allume dessous un feu de copeaux. Ensuite il les entoure de cercles en bois ou
en fer.
Tout
en parlant ainsi, on était entré dans la ville commerçante
de Mâcon, chef-lieu du département de Saône-et-Loire. La
Saône passe le long de la ville, et cette belle rivière
était sillonnée de nombreux bateaux qui apportent à
Mâcon les denrées et produits des départements voisins.
Mâcon fait un grand commerce de vins ; aussi, en maint endroit dans
les rues on entendait le maillet sonore des tonneliers frappant sur les
barriques.