XLII. — Une ferme bien tenue. —
Hygiène de l'habitation. — Les fermes-écoles.
Sans air pur et sans soleil,
point d'habitation saine; sans habitation saine, point d'homme qui puisse
conserver sa vigueur et sa santé.
—
Julien, dit M. Gertal lorsqu'on eut bien dîné, viens avec moi
à la ferme où je dois acheter vos poulardes de Bresse ; tu
aimes l'agriculture, tu vas voir une ferme bien tenue.
Julien enchanté se leva
de table avec André.
On arriva dans une cour de belle
apparence. A l'entrée deux grands arbres, un prunier et un cerisier,
donnaient en été leur ombrage et leurs fruits. Un banc de pierre
sous une tonnelle indiquait que la soir on venait souvent s'y reposer des
travaux de la journée. — Oh ! la belle cour, monsieur
Gertal ! comme elle est grande ! dit Julien. C'est égal, il y a
une chose qui m'étonne, c'est de ne point voir, au milieu, ces beaux
grands tas de fumier qui indiquent qu'il y a bien des bêtes à la
ferme. Pourquoi donc ?
— Oh ! oh !
petit Julien, dit le patron en souriant, ne devines-tu pas que ces beaux grands
tas de fumier dont tu parles empestent l'air et peuvent même causer des
maladies pendant l'été ? Sans compter que le meilleur du
fumier, le purin, se trouve ainsi
perdu, s'écoulant en ruisseaux infects le long de la cour et corrompant
l'eau des mares où boivent les bêtes. Au lieu de cela, vois quelle
jolie cour bien nivelée !
TONNELLE.
—
C'est vrai, monsieur Gertal, dit Julien : la cour et la ferme ont si bon
air que cela donne envie de vivre ici.
— Elles n'étaient
pas ainsi autrefois ; c'est le fermier lui-même qui a planté
ces arbres, aplani le terrain de la cour en y apportant des tombereaux de terre
et du cailloutage. C'est un homme avisé et instruit : il a
été élevé dans une de nos grandes
fermes-écoles, celle de la
Saulsaie, qui n'est pas loin d'ici. Il connaît ce que réclame
l'hygiène de l'habitation ; aussi a-t-il eu soin de creuser la fosse
à fumier loin de la maison ; dans une autre fosse, couverte et
cimentée, se rend, par des canaux, le purin des étables, le plus
précieux des engrais. Chaque jour on conduit dans les prairies quelques
tonneaux de ce purin étendu d'eau, qui sert à les arroser ;
il suffit à lui seul à fumer un hectare entier.
On entra dans la ferme, et
Julien, tout en souhaitant le bonjour à la fermière,
s'émerveilla de trouver la maison si claire et si gaie. Par deux
fenêtres ouvertes au sud, les rayons du soleil pénétraient
librement dans la pièce.
— Vois, dit
M. Gertal, la lumière entre à plein ici. Autrefois, il n'y
avait qu'une fenêtre au nord ; elle a été murée,
et le fermier en a percé deux autres au midi.
— C'est donc malsain, les
fenêtres au nord, monsieur Gertal ?
— Ce qui est malsain,
Julien, ce sont les maisons froides et humides, et elles sont plus malsaines
encore pour le travailleur que pour tout autre : quand il a sué et
peiné au grand soleil, s'il rentre dans une maison fraîche, il se
refroidit brusquement et s'expose aux fluxions de poitrine ou aux douleurs. Or
une maison est ordinairement froide, humide et sombre, quand elle n'a
d'ouverture que par le nord. Celle-là était ainsi naguère,
et encore les fermiers n'ouvraient même pas la seule fenêtre qui
pût leur donner de l'air ; à présent le soleil
éclaire, réchauffe et dessèche la maison. En hiver, chacun
s'en réjouit ; en été, la vigne, qui s'avance en
tonnelle au-dessus des fenêtres et de la porte, fait un peu d'ombre qui
agrée. Avec la lumière et le bon air, c'est la santé qui
entre dans une maison.