Titre Précedent Suivant Sommaire Index | XCVI. – Trois grands hommes de la Normandie. – Le poète Pierre Corneille. – Le philanthrope Castel, abbé de Saint-Pierre, et ses projets de paix perpétuelle. – L'arbitrage. – Le physicien Fresnel. |
XCVI. – Trois grands hommes de la Normandie.
– Le poète Pierre Corneille. – Le philanthrope Castel,
abbé de Saint-Pierre, et ses projets de paix perpétuelle. –
L'arbitrage. – Le physicien Fresnel.
I. L'un des plus grands poètes de la France,
CORNEILLE, est né à Rouen au commencement du dix-septième
siècle. Ses pièces en vers, qui furent représentées
à Paris, excitèrent un véritable enthousiasme. Un jour, le
grand Condé fut si ému à la représentation d'une de
ses pièces, qu'il ne put s'empêcher de pleurer. Les oeuvres de
Corneille sont, en effet, remplies de sentiments élevés et de
nobles maximes : il nous émeut par l'admiration des personnages
qu'il représente. Aussi son nom fut parmi les plus illustres du
dix-septième siècle.
Corneille
resta cependant toujours simple et sans vanité. Il composait ses
poésies à Rouen, dans sa ville natale, où il habitait une
petite maison avec son frère ; car les deux frères Corneille
s'aimaient le plus tendrement du monde. Ils étaient tous deux
poètes. L'un habitait un étage, l'autre l'étage
supérieur ; leurs cabinets de travail correspondaient par une petite
trappe ouverte dans le plafond, et, lorsque Pierre Corneille était
embarrassé pour trouver une rime, il ouvrait la trappe et demandait
l'aide de son frère Thomas. Celui-ci lui criait d'en haut les mots qui
riment ensemble, comme
victoire, gloire,
mémoire, et Pierre choisissait.
Lorsque Pierre Corneille avait fini ses pièces,
il venait à Paris les apporter, et, comme il était pauvre, il
allait à pied. On le voyait arriver avec ses gros souliers ferrés,
son baton à la main et un nouveau chef-d'oeuvre sous le bras.
Vers la fin de sa vie, il vint s'établir à
Paris. Sa pauvreté s'était encore accrue. On raconte qu'un jour il
se promenait avec un écrivain de l'époque : ils causaient
poésie. Tout d'un coup le grand Corneille, simplement, quitta le bras de
son interlocuteur, et, entrant dans une boutique de savetier, il fit, pour
quelques sous, remettre une pièce à ses souliers
endommagés : telle était la simplicité et la grandeur
avec laquelle il portait sa pauvreté sans en rougir.
La ville de Rouen a élevé à
Corneille une magnifique statue, sculptée par David d'Angers.
II. Barfleur est un petit port de la basse Normandie. Au
moyen âge c'était une ville importante d'où Guillaume le
Conquérant, chef des Normands, partit à la tête de sa flotte
pour conquérir l'Angleterre.
A Barfleur naquit, ai milieu du dix-septième
siècle, le philanthrope Castel, abbé de SAINT-PIERRE,
célèbre pour son ardent amour de l'humanité. Toute sa vie
il n'eut qu'un désir, améliorer le sort des peuples, soulager leur
misère, assurer les progrès de l'humanité et dans ce but il
proposa toutes sortes de réformes. C'est lui qui a inventé un mot
que nous employons tous aujourd'hui et qui n'était pas alors dans la
langue française, le mot de
bienfaisance. Il ne s'est pas
contenté du mot, il a lui-même donné toute sa vie l'exemple
de cette vertu vraiment civique.
En 1712, sur la fin du règne de Louis XIV, dont
il ne craignit pas de censurer les actes, ce philanthrope fut témoin des
cruels désastres qu'éprouva la France envahie ; rempli
d'horreur pour la guerre, il se demanda s'il ne serait pas possible aux nations
de l'éviter un jour. C'est alors qu'il écrivit un beau livre
intitulé : Projet de paix
perpétuelle. Il y soutenait qu'on pourrait prévenir la
guerre, en établissant un tribunal choisi dans toutes les nations et
chargé de juger pacifiquement, par voie
d'arbitrage, les différends qui
s'élèveraient entre les peuples.
Sans doute nous sommes loin encore de cette paix
perpétuelle, mais ce n'en est pas moins un honneur pour la France d'avoir
été, entre toutes les nations, la première à
espérer qu'un jour les peuples seraient assez sages pour renoncer
à s'entre-tuer et pour terminer leurs querelles par un jugement
pacifique.
III. Augustin FRESNEL, né dans l'Eure à la
fin du siècle dernier, fut d'abord un enfant paresseux ; il
était à l'école le dernier de sa classe. Mais il ne tarda
pas à comprendre qu'on n'arrive à rien dans la vie sans le
travail, et bientôt il travailla avec tant d'ardeur pour réparer le
temps perdu, qu'à l'âge de seize and et demi il entrait l'un des
premiers à l'Ecole polytechnique.
FRESNEL, né à
Broglie (Eure) en 1788, mort en 1827.
Il en sortit à dix-neuf
ans avec le titre d'ingénieur des ponts et chaussées.
Bientôt, il fut grand bruit dans le monde savant des découvertes
faites par un jeune physicien sur la lumière et la marche des rayons
lumineux. C'était Fresnel qui, grâce à ces
découvertes, put plus tard perfectionner l'éclairage des phares.
Avant lui, la lampe des phares n'avait qu'une faible lumière, qui ne
s'apercevait pas d'assez loin sur les flots, et les naufrages étaient
encore fréquents. Fresnel sut multiplier la lumière de cette lampe
en l'entourant de verres savamment taillés et de miroirs de toute
sorte.
« C'est la France, a dit un de nos
écrivains, qui, après ses grandes guerres, inventa ces nouveaux
arts de la lumière et les appliqua qu salut de la vie humaine.
Armée du rayon de Fresnel, de cette lampe forte comme quatre mille et
qu'on voit à douze lieues elle se fit une ceinture de ces puissantes
flammes qui entre-croisent leurs lueurs. Les ténèbres disparurent
de la face de nos mers. Qui peut dire combien d'hommes et de vaisseaux sauvent
les phares ? »
Julien continuait sa lecture ; mais le pilote Guillaume
ne l'écoutait plus depuis déjà quelque temps ; il
était tout occupé du navire et de la mer. Le vent s'était
levé plus fort, et on voyait au loin l'Océan qui commençait
à blanchir d'écume.
– Allons, laisse-moi, petit, dit Guillaume ; tes
histoires sont intéressantes, mais nous les verrons une autre fois. Sur
toutes ces côtes les mer est mauvaise, et je pourrai bien avoir ce soir
forte besogne.