Titre Précedent Suivant Sommaire Index | LXXIX. – Nantes. – Conversation avec le pilote Guillaume : les différentes mers, leurs couleurs ; les plantes et les fleurs de la mer. – Récolte faite par Julien dans les rochers de Brest. |
LXXIX. – Nantes. – Conversation avec le
pilote Guillaume : les différentes mers, leurs couleurs ; les
plantes et les fleurs de la mer. – Récolte faite par Julien dans
les rochers de Brest.
La science découvre des merveilles partout,
jusqu'au fond de la mer.
Un jour que le petit Julien
s'était attardé tout un après-midi dans la cabine à
faire ses devoirs, il fut bien étonné en revenant sur le pont de
ne plus apercevoir la mer, mais un beau fleuve bordé de verdoyantes
prairies et semé d'îles nombreuses. Le navire remontait le fleuve,
d'autres navires le descendaient, allaient et venaient en tous sens,
– Oh ! André, dit Julien, on croirait
revenir à Bordeaux.
– Nous approchons de Nantes, dit André ;
tu sais bien que Nantes est comme Bordeaux, un port construit sur un fleuve, sur
la Loire.
Le navire, en effet, après plusieurs heures et
plusieurs étapes, arriva devant les beaux quais de Nantes. Julien fut
enchanté de se dégourdir les jambes en marchant sur la terre
ferme. Il alla avec André faire des commissions dans cette grande ville,
qui est la plus considérable de la Bretagne et une de nos principales
places de commerce.
Mais le séjour fut de courte
durée. On chargea rapidement sur le navire des pains de sucre venant des
importantes raffineries de la ville, des boîtes de sardines et de
légumes fabriquées aussi à Nantes, et des vins blancs
d'Angers et de Saumur. Puis on redescendit le fleuve. On repassa devant
l'île d'Indret, où fument sans cesse les cheminées d'une
grande usine analogue à celle du Creusot. On revit à l'embouchure
de la Loire les ports commerçants de Saint-Nazaire et de Paimboeuf,
où s'arrêtent les plus gros navires de l'Amérique et de
l'Inde. Enfin on se retrouva en pleine mer.
UNE RAFFINERIE DE SUCRE A NANTES. – Le sucre se
fait, comme on sait, avec le jus de la canne à sucre ou celui de la
betterave, qu'on fait bouillir dans une chaudière. Le sucre,
clarifié et raffiné dans le grand appareil
représenté à gauche, tombe bouillant dans des
réservoirs. On le verse ensuite dans des moules et on l'y laisse
refroidir. Ainsi se forment ces pains de sucre que l'ouvrier de droite tire des
moules.
Le
Poitou était pour Julien un
petit monde, qu'il aimait à parcourir depuis le pont jusqu'à la
cale. Chemin faisant, il observait les moindres objets et se faisait dire
d'où ils venaient, où ils allaient.
Il y avait surtout à bord quelqu'un que Julien
interrogeait volontiers : c'était Guillaume le pilote, qui
était presque toute la journée à son gouvernail, dirigeant
avec habileté le navire le long de cette côte de France bien connue
de lui.
Le père Guillaume était un vieil ami de
Frantz, car ils avaient navigué ensemble bien des fois ; le
père Guillaume aimait les enfants, et Julien fut tout de suite de ses
amis. Chaque jour ils faisaient ensemble un bout de conversation. Guillaume
avait beaucoup voyagé, il racontait volontiers ce qu'il avait vu dans les
pays lointains, et Julien l'aurait écouté les journées au
long sans s'ennuyer. Parfois aussi c'était Julien qui faisait la lecture
à haute voix et Guillaume qui l'écoutait.
Père Guillaume, lui dit-il un jour, je n'ai vu que
deux mers, la Méditerranée et l'Océan, et elles ne se
ressemblent pas ; vous qui avez vu bien d'autres mers, dites-moi donc si
elles se ressemblent entre elles.
– Petit Julien, vois-tu, les différentes mers
sont comme les différents pays : chacune a son aspect. Ainsi la
Méditerranée est bleue, l'Océan où nous voici est
verdâtre, la mer de Chine et la mer du Japon ont une teinte jaune, la mer
de Californie est rosée, ce qui fait qu'on l'appelle mer Vermeille.
PLANTES DE LA MER. – Sous la mer, il existe des
montagnes et des vallées, des vallées impénétrables,
de bastes prairies où viennent brouter les animaux marins. Les
principales plantes de la mer sont les
algues
et les
varechs.
On y trouve aussi un grand nombre
d'
animaux-plantes, comme le
corail et la
méduse
représentés dans la gravure.
– Père Guillaume, qu'est-ce qui fait ces
couleurs-là !
– Tantôt ce sont les rayons lumineux d'un beau
ciel, comme pour la Méditerranée que tu as vue, tantôt le
sable ou les rochers du fond de la mer, tantôt les algues ou plantes
marines qu'elle renferme.
– Comment ! est-ce qu'il y a des plantes dans la
mer ?
– Je crois bien ! et de quoi vivraient donc tous
les poissons et les animaux qu'elle renferme ? La mer a ses prairies, petit
Julien, et ses fleurs aux couleurs les plus vives, et ses forêts de
lianes, si serrées et si touffues à certaines places que la
navigation est difficile dans ces parages. Quand Christophe Colomb partit pour
découvrir l'Amérique et que son vaisseau traversa cette partie de
l'Océan couverte de lianes, les matelots, qui n'en avaient jamais vu une
si grande quantité, furent effrayés et ne voulaient plus avancer,
craignant que le navire ne restât pris au piège dans ces plantes
marines. Il y en a, vois-tu, qui ont plus de cinq cents mètres de
longueur.
– Est-ce qu'elles sont belles, les fleurs de la
mer ?
– Il y en a de très belles, qui
reflètent les couleurs de l'arc-en-ciel comme la queue du paon. D'autres
sont roses, d'autres d'un beau rouge ou d'un vert tendre.
– Oh ! que j'aimerais à les
voir !
– Au port de Brest, où nous arriverons
bientôt, nous monterons en barque, petit Julien, et je te mènerai
en chercher, si j'ai une heure de libre.
– Est-ce possible, père Guillaume ?
– Eh oui, Julien ; nous en trouverons à
marée basse dans les rochers de la côte.
L'ÉCOLE NAVALE DE BREST est destinée
à former des officiers pour la marine de l'Etat. Elle est établie
dans la rade de Brest. Là, on enseigne aux élèves toutes
les sciences qui sont nécessaires à la navigation ; ils
étudient les cartes terrestres et marines, ils apprennent à
relever à l'aide d'instruments la longitude et la latitude des lieux
où ils se trouvent, et par conséquent leur position exacte sur le
globe. On leur enseigne enfin l'art de manoeuvrer et de diriger les
vaisseaux.
Julien
ne songea plus qu'au moment où le navire s'arrêterait au port, afin
d'aller voirles plantes de la mer.
Bientôt le
Poitou arriva devant la vaste rade de
Brest, dont la difficile entrée est bordée de rochers et
protégée par des forts. Une fois ce passage franchi, c'est la rade
la plus sûre du monde. Brest, où se trouve notre école
navale, est avec Toulon notre plus grand port militaire, et Julien put voir de
près les vaisseaux de guerre immobiles dans le port, les marins de
l'État avec leurs costumes bleus, leur figure bronzée, leur
démarche décidée.
UN DES COQUILLAGES DE LA MER. – Les coquillages de
la mer font partie des animaux appelés mollusques, dont les plus connus
sont l'huître et l'escargot.
Le
père Guillaume n'oublia pas la promesse qu'il avait faite à
Julien. Un après-midi où le capitaine n'avait plus besoin de lui,
il sauta avec l'enfant dans une petite barque. Tous deux allèrent visiter
la côte. Ils descendirent à marée basse sur les rochers que
la mer recouvre quand elle est haute. Le père Guillaume tenait Julien par
la main, de peur qu'il ne fît un faux pas sur les rochers glissants et
encore humides. Julien ne cessait de pousser des exclamations devant tout ce
qu'il voyait. – Oh ! les jolies plantes vertes ! on dirait de
longs rubans ! Et celles-ci, elles sont découpées comme de la
dentelle ! Et ces coquillages, comme ils sont luisants ! Je ferai
sécher ces plantes, et j'en emporterai dans mon carton d'écolier,
avec toute sorte de coquillages. Quand j'irai en classe, je les ferai voir
à mes camarades, et je leur dirai que j'ai rapporté cela de
Brest.