LXI. — Ce que peut rapporter une chèvre
bien soignée. — Le Rhône, son cours et sa source.
Les fleuves sont comme de
grandes routes creusées des montagnes à la mer.
On quitta
l'Auvergne et on entra dans le Lyonnais. M. Gertal fit remarquer aux
enfants qu'on était dans l'un des départements les plus
industrieux de la France, celui du Rhône.
Souvent,
en passant auprès des fermes, on entendait un petit bêlement auquel
bien vite répondaient de droite et de gauche d'autres bêlements
semblables.
CHÈVRES EN STABULATION.
— La chèvre est un des animaux qui s'accommodent le mieux du
séjour de l'étable, quand l'étable est bien propre, bien
tenue et point humide. On a calculé que vingt-quatre chèvres et un
bouc peuvent rapporter par année, en lait, en fromage ou en jeunes
chevreaux, jusqu'à 1 200 francs de bénéfice net.
—
Vraiment, s'écria Julien, on dirait que ce sont des
chèvres ?
— Oui, répondit
M. Gertal, les cultivateurs, par ici, en élèvent une
quantité considérable. Ils ont une belle race de chèvres
grandes et fortes, qui font la richesse de ces villages. Chacune donne
jusqu'à six cents litres de lait par an.
Julien aurait bien voulu les
voir, mais on ne pouvait s'arrêter.
C'était
déjà le soir quand nos voyageurs arrivèrent près de
Lyon. Devant eux se dressaient les hautes collines couronnées par les
dix-sept forts de Lyon. Ces collines étaient encore
éclairées par les derniers rayons du crépuscule, tandis que
la ville se couvrait de la brume du soir. Mais bientôt tous les becs de
gaz s'allumèrent comme autant d'étoiles qui, perçant la
brume de leur blanche lueur, illuminaient la ville toute entière et
renvoyaient des reflets jusque sur les campagnes environnantes.
—
Que c'est joli ! disait Julien ; je n'avais jamais vu pareille
illumination.
Bientôt nos amis
arrivèrent sur les magnifiques quais du Rhône qui, avec ceux de la
Saône, se développent sur une longueur de 40 kilomètres. A
leurs pieds coulait en grondant le fleuve, que remontaient et descendaient des
bateaux à vapeur.
— Oh ! le grand
fleuve ! disait Julien. J'avais bien vu dans ma géographie qu'il est
un des plus beaux de France.
— Monsieur Gertal, dit
André, le Rhône n'est-il pas sujet à des débordements
terribles ?
— Oui, mon ami, il est bas
aujourd'hui, mais au printemps la fonte des neiges le fait grossir rapidement.
Vous savez qu'il prend sa source au milieu des montagnes neigeuses de la Suisse,
dans un vaste glacier, d'où il s'échappe par une grotte de glace.
De là, il descend vers Genève. Vous rappelez-vous ce beau lac de
Genève que nous avons vu ensemble du haut du Jura ?
— Oh ! oui, monsieur
Gertal, je me le rappelle, dit Julien ; les Alpes l'entourent comme de
grandes forteresses, et tout au loin on aperçoit le haut du mont
Blanc.
— Eh bien, le Rhône
entre par un bout du lac et le traverse tout entier. Il s'y dépouille du
limon dont il était chargé. Il sort ensuite brillant et pur de ce
grand réservoir et il vient, avec ses eaux limpides et azurées,
traverser Genève. Puis il entre en France par le département de
l'Ain et arrive jusqu'ici sans s'attarder en route, car c'est le plus
impétueux de nos fleuves. Seulement, aux premières journées
du printemps, quand les neiges fondent sur toutes les montagnes à la fois
et que les torrents se précipitent de toutes parts, il reçoit tant
d'eau que son vaste lit ne peut plus la contenir. Aussi la ville de Lyon
a-t-elle été bien souvent ravagée par les
inondations ; d'autant plus que la Saône elle-même se met
parfois à déborder.