CXI. – Paris. – La longueur de ses rues.
– L'éclairage du soir. – Les omnibus.
Que de mouvement et d'activité, mais aussi que de
peines et de fatigues dans l'existence des grandes villes !
Le soir même, nos trois amis,
après avoir rendu visite au vieux sabotier Etienne et à sa femme,
repartirent pour la France. Ils avaient résolu d'aller retrouver
Guillaume, en passant par Paris pour y recevoir les fonds de l'oncle
Frantz.
André et Julien étaient ravis de passer par
Paris. – Nous n'y resterons pas longtemps, dit l'oncle Frantz ;
néanmoins je profiterai de notre passage pour vous faire connaître
un peu la capitale de notre chère France.
Cette fois on avait pris trois places dans le chemin de
fer.
L'ILE-DE-FRANCE a formé cinq départements,
dont les chefs-lieux sont : Beauvais (20 300 h.),
célèbre par le courage de Jeanne Hachette ; Versailles
(55 000h.), où résidaient naguère le Sénat et
la Chambre des députés ; Paris (2 714 000 h.), et
les petites villes de Melun et de Laon.
On
arriva le lendemain à cinq heures du matin. Après avoir
installé ses malles dans une chambre voisine de la gare, on revêtit
ses habits neufs, on mangea un morceau de pain et de fromage d'un grand
appétit et l'on se mit en route.
Les magasins commençaient à s'ouvrir, les
omnibus se mettaient en mouvement ; Julien s'émerveillait de voir
tant de monde aller et venir.
LA PLACE DE LA CONCORDE A PARIS. – La place de la
Concorde et la plus belle et la plus monumentale de Paris. Elle est ornée
de colossales statues en pierre qui représentent les principales grandes
villes de France, entre lesquelles la concorde doit régner.
Cependant il
ne tarda pas à trouver que les rues de Paris étaient bien longues
et que ses petites jambes n'avaient jamais été à pareille
épreuve.
LA RUE DE RIVOLI A PARIS. – La rue de Rivoli, ainsi
nommée à cause d'une victoire remportée en Italie par nos
troupes, est l'une des principales rues de Paris. D'un côté elle
est bordée par le palais et le jardin des Tuileries, par le Louvre, par
l'Hôtel de Ville ; de l'autre côté, par de riches
maisons et par des arcades sous lesquelles affluent les promeneurs.
– Sais-tu, lui dit
André, comme on parcourait l'interminable rue de Rivoli, qui
s'étend depuis la place de la Concorde jusqu'au delà de
l'Hôtel de Ville, sais-tu quelle longueur feraient toutes les rues de
Paris si elles étaient à la suite les unes des autres.
– Oh ! point du tout, dit Julien ;
André, dis-le moi vite si tu le sais.
– Eh bien, elles feraient une rue longue de mille
kilomètres, c'est-à-dire plus longue que le chemin de Paris
à Marseille ; et un homme qui accomplirait à pied quarante
kilomètres par jour mettrait vingt-cinq jours pour parcourir cette
rue.
– Oh ! dit Julien, faut-il qu'il y ait des rues
dans ce Paris !... Est-ce qu'on les éclaire toutes quand vient le
soir ?
– Certainement, dit l'oncle Frantz ; ce n'est
plus comme autrefois, où les rues du vieux Paris n'étaient pas
éclairées. Chaque soir trente-cinq mille becs de gaz s'allument,
les magasins s'illuminent et toutes les voitures passent avec des lanternes
brillantes.
– Cela doit faire un bel éclairage,
s'écria Julien en sautant pour tâcher d'oublier qu'il était
fatigué ; je vais être content de voir cela. Tout de
même, il faut de bonne jambes aux Parisiens, car il y a joliment à
marcher pour aller d'un bout de leur ville à l'autre.
– Les voitures les aident, petit Julien, dit Frantz.
Vois tous ces omnibus qui s'entrecroisent dans les rues. Moyennant 15 centimes on
te fera monter sur le haut et tu seras traîné pendant une heure d'un
point de Paris à l'autre.
UNE RUE DU VIEUX PARIS. – Combien les rues de nos
villes ressemblaient peu autrefois à ce qu'elle sont aujourd'hui !
Elles étaient si étroites qu'on voyait à peine le jour
entre les deux rangées de maisons. Le soir, jusqu'au temps de
Philippe-Auguste, les rues n'étaient point éclairées et on
ne pouvait sortir sans risquer d'être volé ou assassiné.
Aussi, à sept heures du soir, on sonnait le couvre-feu,
c'est-à-dire qu'à partir de cette heure on devait éteindre
son feu, sa lampe et ne plus sortir de sa maison.
– Oh ! comme c'est bien
inventé, cela ! dit l'enfant. Je vois que tout le monde en profite
pour aller à ses affaires, car les omnibus sont remplis de voyageurs.
Tiens, s'écria-t-il, voici une voiture pleine de facteurs avec leurs
boîtes aux lettres devant eux.
– Tous les facteurs sont conduits en voiture vers les
quartiers différents qu'ils ont à desservir, dit l'oncle
Frantz ; sans cela leurs jambes n'y suffiraient pas, et les lettres
mettraient trop de temps à arriver.
Tout en causant on parvint enfin à la maison du
banquier, non loin des Halles centrales. L'oncle Frantz entra chez le banquier
et y reçut l'assurance que le lendemain matin il toucherait les
6 500 francs qui lui étaient dus. Tranquilles sur ce point, nos
trois amis reprirent leur promenade.