Titre Précedent Suivant Sommaire Index | XXIX. — La Haute-Saône et Vesoul. — Le voiturier jovial. — La confiance imprudente.

XXIX. — La Haute-Saône et Vesoul. — Le voiturier jovial. — La confiance imprudente.

Ne vous fiez pas étourdiment à ceux que vous ne connaissez point. On ne se repent jamais d'avoir été prudent.
Depuis que le jour du départ était fixé, la mère Gertrude s'était mise en quête pour trouver aux enfants l'occasion d'une voiture. Après bien des peines et au prix d'une légère gratification, elle découvrit un voiturier qui allait à Vesoul et le décida à prendre les enfants avec lui.
Le lendemain, de grand matin, elle les conduisit à la place où le voiturier avait donné rendez-vous, et, après s'être embrassés plus d'une fois, on se sépara les larmes aux yeux et le coeur bien gros.
Il était à peine quatre heures du matin lorsque la voiture quitta Épinal ; aussi le soir même les enfants étaient à Vesoul, c'est-à-dire en Franche-Comté.
Vesoul est une ville de dix mille âmes située au pied d'une haute colline, dans une vallée fertile et verdoyante. Le département de la Haute-Saône, dont elle est le chef-lieu, est un des plus riches de France en mines de fer, et de nombreux ouvriers travaillent à arracher le minerai de fer dans les profondes galeries creusées sous le sol.
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UNE MINE DE FER. — Le fer est le plus utile des métaux, c'est aussi celui dont la France est le plus riche. Il se trouve le plus souvent dans la terre sous forme de rouille. Les mineurs le détachent à coups de pic, et on le fait fondre ensuite dans les hauts fourneaux pour le purifier.
André et Julien ne connaissaient personne à Vesoul : là, il n'y avait plus pour eux d'amis ; il fallut payer pour le lit et la nuit, entamer la petite réserve pour acheter à déjeuner, et ne plus compter que sur ses jambes pour faire la route.
Malgré cela, après avoir dormi une bonne nuit, les enfants le lendemain partirent gaîment de Vesoul et prirent la grande route de Besançon. Le soleil brillait : de petits nuages flottaient en l'air à une grande hauteur.
— Nous aurons beau temps ! dit Julien.
— Oui, répondit André, si ces nuages se maintiennent aussi hauts qu'ils le sont à présent.
Les deux enfants espéraient coucher à moitié chemin et arriver à Besançon le lendemain soir. Malheureusement, après quelques kilomètres de marche, ils virent le ciel se couvrir de nuages. André s'arrêta un instant pour observer l'horizon.
Les nuages avaient grossi et s'étaient arrondis comme des balles de coton ; quelques-uns étaient bas et noirâtres.
— Hâtons le pas, Julien, dit André, car les nuages semblent annoncer la pluie.
Bientôt, en effet, les deux enfants sentirent de grosses gouttes. Apercevant un hangar abandonné qui se trouvait au bord de la route, ils s'y abritèrent et attendirent patiemment que la pluie cessât. Plusieurs heures se passèrent ; mais la pluie tombait toujours avec violence.
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FORMES DES NUAGES ANNONÇANT LE BEAU TEMPS OU LA PLUIE. — Ces petites nuages déliés et transparents qui se trouvent à gauche et tout en haut de la gravure annoncent presque toujours le beau temps. Il n'en est pas ainsi de ceux qui sont placés au-dessous et qui ressemblent à des balles de coton ; lorsqu'ils se maintiennent après le coucher du soleil et deviennent plus nombreux, on doit s'attendre à la pluie ou à l'orage. Déjà, à droite, dans les gros nuages noirs, la pluie a commencé.
— Quel malheur ! pensait André, voilà un jour de retard. Il nous faudra aller coucher au petit village que j'aperçois d'ici. Et s'il pleut encore demain !...
A ce moment, Julien vit passer sur la route une carriole qui s'en allait dans la direction de Besançon. C'était un boisselier de Besançon qui revenait d'une foire où il était allé vendre des boisseaux, des litres en bois de chêne, des seaux, des soufflets et des tamis. Il avait aussi dans sa voiture des objets de vannerie, paniers et corbeilles de toute sorte. Il allait vite, car sa marchandise n'était pas lourde.
— André, s'écria Julien, si nous demandions à ce voiturier de nous prendre avec lui en payant quelque chose : cela ne vaudrait-il pas mieux ? — Essayons, dit André.
Ils coururent et poliment expliquèrent au conducteur l'embarras où la pluie les mettait. Le voiturier avait l'air souriant, le visage fort enluminé, les manières joviales, mais un peu grossières.
— Montez, mes gaillards, dit-il, et donnez-moi quinze sous, vous serez ce soir à Besançon.
André hésita un instant.
— Est-il bien sage, pensait-il, de nous confier à un homme que nous ne connaissons pas et dont les manières s'inspirent pas grand respect ?
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BOISSELLERIE ET VANNERIE. — La boissellerie est l'art de fabriquer des boisseaux ou mesures de décalitres et toutes les autres mesures en bois de chêne, les seaux, les soufflets, tamis, enfin une foule de menus ouvrages. La vannerie est l'art de fabriquer des vans, des corbeilles, des paniers, des hottes et tous les ouvrages qui se font avec des brins d'osier, de saule et autres tiges flexibles.
Mais au même moment le vent et la pluie redoublèrent, et la carriole protégée par une bonne toile cirée promettait aux enfants un abri bien agréable. André se décida à tenter l'aventure. Il donna ses quinze sous, non sans un peu d'inquiétude, et s'installa avec Julien au fond de la carriole, parmi les boisseaux et les corbeilles. Le cocher fouetta son cheval hardiment, et l'on arriva bientôt à un village : on le traversa au bruit retentissant des clic clac, et en galopant si fort que la carriole allait de droite à gauche avec mille cahots.
Julien était ravi : — Comme on marche vite ? dit-il tout bas à André ; nous serons ce sois de bonne heure à Besançon. Cela vaut bien quinze sous, vraiment.
Mais l'enthousiasme du cocher et l'ardeur du cheval tombèrent subitement devant la dernière maison du village qui était une auberge. Là, des buveurs attablés chantaient bruyamment.
— Eh ! eh ! les enfants, dit le joyeux voiturier, il faut se rafraîchir un peu... Ici le vin est bon... Une bouteille de vin ne fait jamais de mal.
— Merci, monsieur, dit André tout interdit, car il s'aperçut que leur conducteur, en sautant par terre, avait chancelé comme un homme qui a bu déjà, et il commençait à soupçonner que les belles couleurs du jovial cocher tenaient sans doute à la boisson.
— Hélas, dit-il tout bas à Julien, nous avons agi comme des étourdis et des imprudents en nous adressant au premier venu et en lui donnant notre argent.
Je crains bien que nous n'ayons à nous en repentir. Cet homme à l'air pris de vin.
Le petit Julien confus garda le silence.